P JM Bouhans
(pour la fête de ND des Douleurs : Hb 5, 7-9 ; Lc 2,
33-35)
La lettre aux Hébreux est une vaste tapisserie. La
liturgie isole trois versets qui ne permettent pas vraiment de saisir ce que
dit l’auteur. Essayons d’élargir notre regard : Jésus ressuscité est devenu
notre seul représentant crédible auprès de Dieu : il a partagé en tout notre
condition humaine et sa fragilité. L’auteur évoque « un grand cri, les larmes
et la prière » du Christ : nous sommes au jardin des Oliviers au moment du
combat intérieur de Jésus pour accepter la passion. Jésus : le Fils de Dieu est
bien des nôtres : il connait notre tentation de refuser le vouloir de Dieu, par
peur de la mort. Mais par solidarité avec notre condition, il « obéit », et «
bien qu’il soit le Fils », il transforme en prière et supplication la révolte
de l’humanité. « Il a été exaucé », cela ne veut pas dire qu’il échappe à la
mort mais qu’il reçoit de Dieu la résurrection et la perfection... celle d’un
homme qui a accepté, dans la confiance en Dieu, la condition humaine telle
qu’elle est.
L’évangile d’aujourd’hui isole lui aussi trois versets
dans la fresque des récits de l’enfance de Jésus, et les sépare même du
cantique de Syméon. Dans ce cantique, Syméon chante sa joie : ses yeux ont vu
le salut pour tous les peuples, la lumière pour les nations. Cette joie
s’entrechoque ensuite avec la double prophétie entendue il y a un instant et
qui est plutôt sombre : elle concerne Jésus et aussi Marie. Luc est celui qui
montre le plus la division entre Israël et les Nations, entre deux Israël :
celui qui confesse le Messie et celui qui le refuse. Cela commence très tôt
dans le bourg même où réside Marie lors de la première prédication à Nazareth.
Dès le départ, Marie est déjà mise à l’épreuve. Et Jean sera le seul des
évangélistes à présenter Marie au pied de la Croix. Mystère d’une vie déchirée
par ce qui se décide autour de son Fils.
Après le ministère de Paul et la ruine de Jérusalem, Luc
va chercher à retisser les liens des communautés croyantes et de leurs discours
divergents. Il place Marie dans le groupe qui attend la Pentecôte, cherche sans
cesse dans son Evangile et dans les Actes, à promouvoir et à tenir ensemble ce
qui déchirait le cœur de Marie. Marie au service de l’unité commence d’abord
par la prise de conscience des divisions internes. Voilà qui nous situe bien
dans cette fête de ND des douleurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire