Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Isaïe 50,5-9a ;
Psaume 114 ; Jacques 2,14-18 ; Marc 8,27-35
C’est
la mode des sondages d’opinion, surtout en période d’élections : Qui a la
meilleure cote ? Qui a ses chances ? Comment est perçu un tel ou une
telle ? etc.
« Et
vous, qu’en pensez-vous ? » - demande chaque jour un présentateur de
télévision.
Chemin faisant, nous dit l’Evangile de ce dimanche, allant avec ses
amis vers des villages du côté du Mont Carmel, Jésus fait un sondage :
« Qu’en pensez-vous ? Que disent les gens ? Et vous ? Non
pas sur ce que je dis ou ce que je fais, mais sur ce que je suis. Qui suis-je ? »
« D’abord
pour les gens, ils disent quoi ? » Et les amis de rapporter ce qu’ils
entendent dire, les fameux « on dit » : « que tu es Jean le
Baptiste revenu, ou Elie, qui doit revenir aussi, ou un autre prophète… »
On
pourrait aussi aujourd’hui répéter les « on dit » sur qui est
Jésus : « un prophète », disent les musulmans, « un
sage », disent les bouddhistes, « un révolutionnaire »,
« un rêveur », « un guérisseur », « quelqu’un qui a
dit des belles paroles, mais qui restent souvent des paroles », etc.
Bon,
ce sont des « on dit que », mais allons plus loin : « Et
vous, mes proches, que dites-vous ? Pour toi, Pierre, Jean, Bernard,
Sabine, Michel et les autres (c’est-à-dire nous), qui suis-je ? »
On
pourrait prendre quelques instants pour répondre à cette question, en
nous-mêmes : qui est Jésus pour nous ?
Chaque
personne a une part d’impérissable, d’inconnu, au plus profond d’elle-même.
Jésus n’y échappe pas ! La connaissance de quelqu’un ne se réduit pas à
une carte d’identité, à une profession, à un domicile, à une couleur des yeux
ni à ce qu’on dit de lui. Trop souvent, on en reste à ce qui se voit, aux apparences,
à ce qui se dit : « Tu dois être Jean le Baptiste revenu »,
« On le connaît, c’est le charpentier de Nazareth, fils de Joseph et de
Marie ! »
On
n’est jamais une étiquette, même si elle est belle. Qui peut dire de quelqu’un
qui il est ? Personne n’est un produit fini ; on le dit bien :
« Oh, celui-là, celle-là, il/elle gagne à connaître. »
L’essentiel
est invisible aux yeux, il faut du temps, de la patience, de la délicatesse et
beaucoup d’humilité pour approcher l’autre dans ce qu’il est.
C’est
ce qui se passe, chemin faisant, entre Jésus et ses amis : « Qui
suis-je ? Pour vous ? »
Pierre,
toujours prêt : « Tu es le
Messie. » Bonne réponse ! Sauf que l’idée que Pierre et les
autres se font du Messie est totalement opposée à celle de Jésus, au Messie qui
est Jésus.
Il
faut que Jésus explique, tout en marchant : « Le Messie ? Il va
souffrir, être rejeté, tué,… et trois jours après il ressuscite » (cf.
marc 8,31) - c’est ce qu’annonce aussi la première lecture : le Messie
serviteur qui présentera son dos et ses joues à ceux qui le frappent (cf. Isaïe 50,6). Impensable, pas possible,
pour Pierre ! Le Messie, c’est ce chef et ce leader qui va chasser
l’occupant Romain, rétablir le pouvoir du pays ; un Messie triomphant,
victorieux, le libérateur du pays !
« Tu
es ce Messie-là, dit Pierre, et tu ne vas pas te laisser arrêter et tuer par
cette bande de nuls ! » Bel exemple de l’incompréhension de
l’autre !
« Je
ne suis pas celui que tu imagines, Pierre ; tu me vois autre que ce que je
suis. Satan ! Ne me barre pas la route, passe derrière (cf. Marc
8,33), ne m’empêche pas d’être qui je suis, tes pensées ne correspondent pas à
ce que je suis mais à ta petite imagination, à ton ambition, et aux « on
dit. »
Pierre
devra apprendre à regarder Jésus autrement. Un jour, la vérité se fera, après
les incompréhensions, dans la même région d’ailleurs : « Pierre, m’aimes-tu ? » (cf.
Jean 21,15-19) – « M’aimes-tu, moi, tel que je suis, tel que le Père m’a
envoyé, moi, le Christ, le vrai Messie ? »
Oui,
Pierre s’engage dans la vérité de la connaissance réciproque au plus profond de
la relation, dans l’amour et la confiance.
« Oui, Seigneur, tu sais que je
t’aime (cf. jean 21,15-19). – Tu es le Christ, le Fils du Dieu
vivant » (Matthieu 16,16).
« Alors,
on peut y aller, dit Jésus. Tu fortifieras tes frères dans la foi. »
Chemin
faisant, la même question nous est posée : « Qui suis-je pour
toi ? »
On
n’aura jamais fini d’y répondre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire