Père Maurice Boisson - Carmel de Saint-Maur
Lc 1, 1-4, 4, 14-21
Un petite Sœur du P. de Foucault, sœur Odette, tuée en Algérie en 1995, avait
laissé dans sa poche un papier sur lequel étaient écrits ces mots (je les
ai cités aux sœurs ici) : « Le moment présent est une frêle
passerelle, si tu le charges des regrets d’hier ou de l’inquiétude du
lendemain, la passerelle cède et tu perds pied. Le passé, Dieu le pardonne,
l’avenir, Dieu le donne. Vis le jour d’aujourd’hui. »
On a toujours un peu de mal, surtout à notre époque de grande vitesse en
tout genre, de vivre le présent, l’aujourd’hui. On est de plus en plus projeté
vers demain et après-demain, sans savoir d’ailleurs de quoi il sera fait, et en
même temps on est raccroché par le passé… qui n’est plus.
Aujourd’hui, c’est le temps que Dieu nous donne, ici et maintenant. Ce sont
les réalités, de notre vie, de nos activités, de nos relations, de notre
situation… ça ne veut pas dire qu’on n’a pas à prévoir, bien sûr, ni à ne pas
tenir compte du passé. Il s’agit de ne pas s’enfermer dans un passé, ni de
rêver sans cesse un avenir qui n’est pas. C’est aujourd’hui, nous dit Jésus,
que se réalisent les promesses de Dieu. Que nous avons à les réaliser, et pas à
les rêver. Quand Jésus disait ces paroles, ceux qui l’écoutaient étaient
marqués par l’histoire de leur peuple, et ils étaient dans l’attente de celui
qui changerait leur situation. C’est moi, dit Jésus, et ces promesses d’avenir
exprimées par les prophètes par le passé, elles se réalisent maintenant par des
actes, des gestes de Bonne Nouvelle, de guérison, de libération, de lumière,
aujourd’hui.
Quand Jésus prononçait ces paroles, il évoquait la situation de son temps,
de l’aujourd’hui qui était le sien.
Comment nous réalisons, nous accomplissons aujourd’hui dans le temps qui
est le nôtre cet aujourd’hui de Dieu ?
Le Pape François dans la lettre d’annonce de l’Année de la Miséricorde ;
« Le Visage de la Miséricorde », commente ce passage d’Evangile
de ce matin : « Aujourd’hui le Seigneur m’envoie porter la Bonne
Nouvelle aux peuples, annoncer aux captifs la libération, aux aveugles la vue
et aux opprimés la liberté. »
Je cite le commentaire du Pape François : « Dire une parole et
faire un geste de consolation envers les pauvres, annoncer la libération de
ceux qui sont esclaves des nouvelles prisons de la société moderne, redonner la
vue à qui n’est plus capable de voir, car recroquevillé sur lui-même (…) C’est
à nous aujourd’hui, de faire que cette Bonne Nouvelle soit de nouveau visible
aujourd’hui, dans le témoignage des chrétiens » (N° 16). Nous avons besoin,
dit encore François, de faire l’expérience concrète de la miséricorde, d’être
une Eglise qui réchauffe le cœur des gens par son attention et sa
proximité. »
C’est à chacun, et à nos communautés chrétiennes, de savoir qui,
aujourd’hui, est pauvre, de quelles richesses il a besoin (pas toujours
matérielles), de quelle lumière il a besoin, de quelle clef pour ouvrir son cœur,
etc. C’est aujourd’hui, en particulier, dans la fragilité et les turbulences de
notre temps, le temps favorable de la miséricorde, de prendre modèle sur l’agir de Dieu envers nous, pour
agir avec les autres : parole et gestes pour se relever, reprendre goût à
la vie, reprendre la route… Plus on se rapproche de Dieu, de son agir, de ce
qu’il est, plus on est utile aux autres. Plus on sera à même de réaliser, aujourd’hui, dans le concret des
réalités, le désir de Dieu sur nous, sur notre monde.
Ça ne veut pas dire qu’on ne se laisse pas envahir soi-même par l’obscurité
qui traverse notre temps, et s’y engloutir, cette peur contraire à la Foi.
L’Eglise vit dans le monde de ce temps, dans l’Aujourd’hui de sa vie, pas dans
le passé, ni encore dans le Royaume totalement réalisé. Oui, l’Evangile, c’est
aujourd’hui.
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