lundi 10 octobre 2016

Homélie 28° dimanche C



Homélie 28° dimanche C
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson  
  
       « Prends pitié de nous ! » crient dix lépreux à Jésus à l’entrée d’un village. Jésus les guérit et ils vont faire certifier leur guérison auprès des prêtres. Sur les dix, un revient sur ses pas pour remercier Jésus.
                « Prends pitié de nous ! », « je rends grâce », un même mouvement du coeur quand on est dans le besoin : on appelle à l’aide des amis, des proches, Dieu. Quand ça va bien, les contacts sont plus espacés. Il arrive même que l’on néglige de remercier. Pourtant, comme on dit : « On était bien content de les avoir, ils nous ont bien soutenus… » Il arrive aussi, et c’est souvent,quand même,  qu’on reconnaisse, comme le lépreux qui revient, les bienfaits, les grâces dont on a bénéficié. « Je rends grâce. J’offre une messe d’action de grâce pour remercier »…

                La prière de demande, pour telle intention, telle personne, tel besoin est bien une démarche de foi et de confiance en la capacité de Dieu de nous voir, de nous entendre, même à distance comme les lépreux, et à prendre soin de nous. Comme eux, on sent que Jésus va passer sur ce même chemin, chemin de nos épreuves, de nos joies, on va à sa rencontre. 
                « Demandez et vous recevrez ! Frappez, on vous ouvrira ! » (Lc 11,9) dit Jésus. La porte du coeur de Dieu est toujours ouverte. C’est vrai que quelques fois, on peut regretter avec une pincée de reproches : « Notre prière n’a pas été exaucée ». Jésus, lui-même, a connu cette situation. « Pourquoi ? » Mais que sait-on, si notre prière n’a pas été exaucée ? Elle l’est toujours mais pas forcément là où se situe la demande, et là où nous voudrions, nous, qu’elle soit exaucée. 
                Ce mystère demeure, dans le secret de Dieu et le secret de chacun. C’est vrai aussi, comme ces lépreux, qu’il peut nous arriver des épreuves, des misères, qui ne viennent pas de Dieu, ni de nous, ni des autres. Pensons aux catastrophes de ces derniers jours en Haïti, les épreuves personnelles de maladie, de ce qui arrive. Ce ne sont sûrement pas des dons de Dieu, comme certaines spiritualité ont pu le faire croire. Comme si Dieu, infiniment bon, Amour, se plaisait à nous voir souffrir !
                Ce qui est don de Dieu, c’est sa présence, son Amour au coeur même de ce que nous vivons et dans ce que nous vivons, c’est la fécondation des semences de résurrection et de vie, c’est sa rencontre avec nous, comme avec les lépreux, alors que Jésus traverse des régions hostiles, comme nous traversons, nous aussi, des moments hostiles.

                Sur les dix lépreux guéris, un seul revient sur ses pas pour rendre grâce, pour remercier, pour re-connaître, être re-connaissant. Cet homme ne se tient plus à distance, il est aux pieds de Jésus, il a fait le reste du chemin, qui le fera aller au bout de sa guérison : celle de tout son être. Il s’entend dire : « Relève-toi, ta foi t’a sauvé ». Ne nous arrêtons pas en chemin, aux prières de demandes et de supplication mais faisons-le , ce chemin de la rencontre avec la miséricorde de Dieu, porteurs de tout ce que nous avons à lui confier, au nom de ceux qui se recommandent à notre prière, au nom de ceux qui ne peuvent ou ne savent pas ou plus prier, au nom de tous les appels de nos frères et soeurs, « prends pitié de nous, Jésus ! » Et c’est un réel et essentiel service que rendent les communautés monastiques, comme vous ici au Carmel de Saint-Maur, mes Soeurs, en solidarité avec le monde, porté chaque jour dans l’Amour infini de Dieu.
                Faisons aussi le chemin vers la reconnaissance, vers l’action de grâce. Reconnaître et rendre grâce, remercier pour les dons reçus. Ce n’est pas toujours facile, dans certaines situations, de percevoir, de deviner, de sentir le travail de la grâce, c’est souvent dans la durée et la profondeur qu’il se réalise. En criant vers Jésus « Prends pitié de nous ! », à distance, les lépreux sont guéris dans leur peau, leur réintégration sociale. En revenant pour rendre grâce aux pieds de Jésus, celui qui revient est touché au plus profond de lui-même. La reconnaissance et l’action de grâce sont toujours suivies d’un appel. La grâce reçue, les dons reçus nous rendent donnant à notre tour. Jésus n’est plus là physiquement à traverser les villages, à rencontrer ceux qui ont besoin de soins de toutes sortes. C’est à nous, aujourd’hui, qu’est confiée une part des dons de Dieu, à partager, à communiquer. Tout ce que nous recevons de Dieu, nous rend donnant à notre tour, dans notre quotidien.

                Demander, prier et rendre grâce, recevoir et redonner, c’est le mouvement, le sens et le coeur de l’Eucharistie que nous célébrons et que nous avons à prolonger dans nos vies. 

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