dimanche 23 octobre 2016

Homélie 30ème dimanche C



Homélie 30ème dimanche C
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson  

                Quand tout nous dit, aujourd’hui, qu’il faut être - ou paraître le meilleur - , le gagnant, le plus puissant, quitte à mépriser les autres, la Parole de Jésus que nous venons d’entendre peut sembler complètement décalée, à contre-courant de la mentalité actuelle. « Celui qui s’élève sera abaissée, celui qui s’abaisse sera élevé. » Pourtant, de quels bienfaits pourrions-nous bénéficier de cet appel ! Pour la qualité de nos relations, avec Dieu bien sûr, et comme tout se tient, de la qualité de nos relations avec les autres et avec nous-mêmes. 
                Et si cette petite histoire du pharisien et du publicain nous indiquait un chemin ?                            Celui de l’accueil de la grâce de Dieu, un chemin de fraternité avec les autres, le chemin vers l’intériorité de nous-mêmes : un appel à réduire la dimension de notre moi - pas ce que nous sommes - mais de l’excroissance de notre « moi, je … ne suis pas comme… », « moi, je… fais le bien… » Il s’agit de faire un peu de place au « nous » 
  • Nous avec Dieu, ou Dieu avec nous. Il est le premier acteur et la source de notre existence. 
  • Nous avec les autres, sans qui on ne serait rien.
  • Nous avec le plus profond de ce que nous sommes.
                C’est un enseignement de ces deux petits portraits croqués par Jésus, un peu caricaturaux, pour faire ressortir les traits principaux de ces deux personnages. Nous ne sommes pas tout l’un ou tout l’autre. Il y a en nous les deux à la fois, à certains moments, plus pharisiens, à d’autres plus publicains. Action de grâce pour ce qu’il y a de bien en nous et qui est le travail de Dieu avec notre consentement et notre collaboration. Action de grâce pour ce qu’il y a de bien chez les autres et non pas le mépris des autres. En même temps, comme le publicain, nous avons conscience de notre fragilité, de notre faiblesse, de notre péché, qui nous fait demander humblement la miséricorde et l’aide de Dieu pour nous relever.
                « Qui s’élève sera abaissé» non pas écrasé, ni humilié mais allégé du poids de la hauteur artificielle de son moi, trop gonflé de lui-même, pour être à un niveau lui permettant de recevoir Autre que lui-même : la grâce et les dons de Dieu, qui lui, s’abaisse pour se faire l’un de nous : à notre hauteur, pour nous rejoindre chacun là où il en est et le faire grandir, l’élever en bonté et en amour.
                « Qui s’abaisse sera élevé », non pas sur un podium, ou à la une des premiers prix. S’abaisser n’est pas non plus se dévaloriser, pour avoir le plaisir de s’entendre dire ; « Ah, non, tu n’es pas comme ça ! Tu as plein de possibilités ! » Cette fausse humilité est une forme d’orgueil déguisé. S’abaisser n’est pas renoncer à ses talents, ce n’est pas nous qui nous nous les sommes donnés ! S’abaisser pour poser le poids de ce qui est, en nous-mêmes, de ce qui nous empêche de gravir les sentiers (ou l’échelle, comme on l’a vu cette semaine, mes Soeurs, dans « La nuit obscure », poème de Saint-Jean de la Croix), nous permettant d’aller vers des « plus » : de la rencontre avec Dieu, de la vie fraternelle, de la paix intérieure de notre coeur. 
                S’élever, comme le pharisien, pour s’exposer à l’admiration de Dieu en méprisant les autres, c’est le fait de la puissance qui vient de ce que l’on a, pas seulement de l’avoir matériel, mais aussi du pouvoir, des relations, du savoir etc… L’attitude du pharisien n’a pas - encore - rejoint le regard de Dieu. Dieu ne regarde pas la puissance mais la grandeur. La grandeur vient de ce qu’on est, c’est la capacité de notre coeur à être grand : Avoir grand coeur ! C’est là qu’Il veut nous élever : à la grandeur de notre coeur, à la grandeur du Sien, c’est-à-dire de son Amour. Consentir à nous laisser élever, comme le publicain bien conscient de son péché (« Montre-Toi favorable au pécheur que je suis ! ») et qui, comme son collègue Matthieu accepte de rectifier sa conduite. 
                Le message de ce dimanche se résume en la pratique de cette disposition intérieure : l’humilité, bien comprise, sans contrefaçon d’orgueil déguisé. C’est une qualité essentielle de l’amour, sans laquelle notre relation à Dieu devient relation à nous-même, sans laquelle la vie ensemble se grippe et notre propre existence devient la proie de nos pulsions égoïstes. 
                « L’humilité de Dieu » est le titre d’un livre d’un grand spirituel, le Père Varillon, sj. « Si Dieu est Amour, écrit-il, il est humble ». Et il ajoute : « Un regard, qui veut dire je vaux plus que toi, ne peut pas dire : « je t’aime » ».

Deux personnes allaient à l’église pour prier…
Peut-être que c’était nous…

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