Homélie Canonisation Élisabeth de la Trinité (29ème dimanche C)
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Une fois n’est pas
coutume ! Consacrons ces quelques minutes à faire un petit peu connaissance de
Sainte Élisabeth de la Trinité et de son message spirituel pour aujourd’hui
(les Soeurs la connaissent mieux que moi, elle peuvent se reposer). Élisabeth
nous est proche : elle est carmélite, du Carmel de Dijon, aujourd’hui à
Flavignerot, à 12 km de Dijon, et son chemin spirituel et humain nous est
accessible, actuel, bienfaisant.
Elisabeth Catez,
c’est son nom, est née en 1880, près de Bourges, sur le camp d’Avord, où son
père était militaire. Deux ans après, la famille s’installe à Dijon. Son
enfance et sa jeunesse se déroulent comme celles des jeunes filles de son âge,
avec un caractère pas très facile, une vie plutôt mondaine. Coquette, jolie
fille, elle a du succès et est bien entourée. Elle aime les voyages et la
musique : à 13 ans, elle obtient le premier prix de piano au conservatoire de
Dijon.
Mais dès 14 ans,
elle se sent appelée à donner sa vie à Dieu, ce projet se précisera vers le
Carmel. Voilà une fille, bien dans sa peau, aimant le monde, la vie, boute-entrain
qui porte un secret en elle : un amour caché ! Qui transforme tout.
« Qu’en vivant au milieu du monde, écrit-elle, je ne voie que Lui, Lui,
mon Amour, mon divin Ami ! » (Poème 54) À 19 ans, elle veut entrer au
Carmel. Sa maman s’y oppose et lui demande d’attendre sa majorité.
Le 2 août 1901, à
21 ans, elle entre au Carmel de Dijon. Là, enthousiasme et difficultés se
rencontrent… et la paix intérieure revient dans son coeur. À 25 ans, atteinte
d’une maladie incurable, elle vit des souffrances intenses, sa santé se
dégradant peu à peu. Elle meurt le 9 novembre 1906. Elle a 24 ans.
« Je vais à
la Lumière, à l’Amour, à la Vie » dit-elle quelques heures avant sa mort.
Quoi
d’extraordinaire, de spectaculaire dans cette vie ?
Élisabeth voulait
« mener une vie cachée en Dieu, avec le Christ » (Col 3,3). Pourtant,
dès sa mort, son rayonnement spirituel a été très fort et continue de l’être
aujourd’hui. En la déclarant officiellement sainte aujourd’hui, l’Église reconnaît
que sa vie et son message sont vraiment une suite du Christ et rejoignent les
attentes de notre temps.
Brièvement, sa vie
et son message se résument en 3 mots : « Dieu nous aime » ce n’est
pas nouveau, vous allez dire ! C’est vrai mais on n’était moins sensible à
cette forme de spiritualité au temps d’Élisabeth. « Dieu nous aime »
n’est pas une formule passe-partout pour homélie ou discours. C’est une réalité
qui a un impact fort sur nos vies, dans nos existences les plus ordinaires,
dans notre monde un peu brutal à beaucoup d’égards. On touche le fond et
l’essentiel du coeur humain : être aimé, se savoir aimé, ce n’est pas neutre,
ni anodin dans la vie de quelqu’un ! Le contraire, non plus. À plus forte
raison s’il s’agit de l’Amour de Dieu pour nous, pour tout être humain, pour la
Création, pour l’humanité. Se savoir aimé et savoir qu'il y a une source de cet
Amour, pour aimer à notre tour, pour irriguer et alimenter les relations
humaines, c’est précieux aujourd’hui. Élisabeth, tenant son crucifix, réalise
l’impact de cette parole de Saint Jean « Il n’y a pas de plus grand amour
que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn15,13). Elle va à la
source : Dieu est Amour et s’il est Amour, il est relation en lui-même. Il est
Trinité, pas un solitaire. S’il est en relation, s’il est Trinité, il est
Amour. On n’est pas dans un discours théologique mais dans ce qui fait la
réalité de la vie et le chemin de la vie ensemble. Cette conviction, Élisabeth
l’a très bien exprimée dans sa « Prière à la Trinité » (ci-dessous).
La deuxième
expérience de Sainte Élisabeth, c’est que Dieu est présent en nous, au dedans
de nous-même. « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, nous ferons chez
lui notre demeure » (Jn14,23). Élisabeth veut dire en hébreu « Maison
de Dieu », c’est son secret. Nous sommes, chacun et chacune, « maison
de Dieu ». C’est un message d’intériorité, non pas de repli, de
renfermement mais d’intériorité qui ouvre, qui relie. « Je t’offre la
cellule de mon cœur. Que ce soit ton petit Béthanie, viens t’y reposer, je
t’aime tant » (Notes Intimes 5). C’est en profondeur que nous pouvons nous
rejoindre vraiment, sur ce qui habite notre propre maison. Aujourd’hui, cette
intériorité parle à notre monde et à nos vies dispersées, extériorisées,
« deshabitées »…
En quelques
minutes, on ne peut que rester loin et qu’au seuil de cette richesse de
la vie et du message d’Élisabeth de la Trinité. La fête d’aujourd’hui peut
donner le goût d’entrer plus avant dans cette « maison de Dieu » et
dans notre maison intérieure. Comme Sainte Élisabeth : une vie ordinaire, à
l’aise dans la vie du monde, à l’aise dans le monde de Dieu. Les deux se
rejoignent . « Dieu nous aime ! »
Ô mon
Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en
vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que
rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable,
mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère.
Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre
repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière,
tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à votre Action créatrice.
Ô
mon Christ aimé crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre
Cœur, je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer... jusqu'à en
mourir ! Mais je sens mon impuissance et je vous demande de me
« revêtir de vous même », d'identifier mon âme à tous les mouvements
de votre âme, de me submerger, de m’envahir, de vous substituer à moi, afin que
ma vie ne soit qu'un rayonnement de votre Vie. Venez en moi comme Adorateur,
comme Réparateur et comme Sauveur.
Ô
Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter, je
veux me faire tout enseignable, afin d'apprendre tout de vous. Puis, à travers
toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances, je veux vous fixer
toujours et demeurer sous votre grande lumière; ô mon Astre aimé, fascinez-moi
pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnement.
Ô
Feu consumant, Esprit d'amour, « survenez en moi » afin qu'il se
fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe : que je Lui sois une
humanité de surcroît en laquelle Il renouvelle tout son Mystère. Et vous, ô
Père, penchez-vous vers votre pauvre petite créature, « couvrez-la de
votre ombre », ne voyez en elle que le « Bien-Aimé en lequel vous
avez mis toutes vos complaisances ».
Ô
mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds,
je me livre à vous comme une proie. Ensevelissez-vous en moi pour que je
m'ensevelisse en vous, en attendant d'aller contempler en votre lumière l'abîme
de vos grandeurs.
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