Homélie Sainte Thérèse d’Avila
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
À propos de cette
rencontre entre la samaritaine et Jésus, Sainte Thérèse de Jésus écrit dans son
autobiographie « Le Livre de la Vie » : « Que j’aime ce passage
de l’Évangile ! Ce qui est certain, c’est que dès mon plus jeune âge je
l’aimais, sans le comprendre comme aujourd’hui la valeur de ce bien que je
demandais; je conjurais souvent le Seigneur de me donner de cette eau. »
(Vie 30, 19)
C’était le désir
de Thérèse de Jésus, « Dans ton cœur un seul désir : Habiter
Dieu, boire l’eau vive et donner soif de son visage » (chant d’entrée
de la messe). C’est aussi notre désir et celui de notre monde d’aujourd’hui,
cette aspiration à l’eau vive, dans un paysage trouble et troublé. L’eau vive a
réhydraté la samaritaine dans sa vie, asséchée par ce qui ne pouvait pas
combler sa soif d’amour.
L’eau vive a
redonné courage et énergie à Thérèse dans son désir d’Absolu et sa recherche de
Dieu, lorsque ce désir s’était quelque peu assoupi, à certains moments de sa
vie, sous l’effet de quelques mirages, « les joies mondaines, faciles à
satisfaire » (Vie 5) donnant l’illusion d’une eau dans le désert mais qui
n’étaient pas point l’eau vive. Ce désir profond du goût de Dieu, d’une
présence en elle s’est réveillée devant une image du Christ souffrant.
L’humanité du Christ-Jésus, fatigué, assis au bord d’un puits, en plein midi,
demandant à boire a bousculé la femme de Samarie.
L’humanité du
Christ souffrant s’est trouvé sur le chemin de Thérèse dans un oratoire. Elle a
été « bouleversée » (Vie 9). Le puits de la rencontre, l’oratoire de
la rencontre ont ouvert, dans l’humanité de Thérèse et de la samaritaine, des
chemins qui les guideront vers un Absolu, qui est l’Amour, si Dieu est Amour.
Quels sont nos
puits, nos oratoires intérieurs, nos sources d’eau vie qui guident nos chemins
dans notre recherche de Dieu ? l’oraison, la vie fraternelle, le silence, le
détachement, la recherche de l’essentiel, que Thérèse s’est appliquée à
désensabler, à raviver dans sa réforme. « Celui qui a Dieu ne manque de
rien » « Solo Dios basta ».
« L'eau que
je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie
éternelle » (Jn 4,14), à condition de toujours désensabler la source pour
qu’elle soit vraiment source. Une source bouchée n’est pas une source. Jacob, à
ce puits où nous sommes, pour abreuver ses troupeaux avait soulevé une énorme
pierre qui bouchait le puits. Comme Jacob, on a toujours à ôter les pierres qui
ferment et enferment, et empêchent de s’abreuver à l’eau vive de la grâce, au
don de Dieu. On a toujours à désensabler la source qui est en nous, dans nos
institutions, dans la société, au risque de n’être plus ou pas assez irrigués, ensablés
dans nos habitudes, les futilités, les prêts-à-penser et à porter qui empêchent
la source d’être source créatrice. Cela a été la passion de Thérèse et de bien
d’autres pour que ne se perde pas dans les sables et les alluvions, le goût de
Dieu, le goût de la recherche de Dieu. L’écrivain Jules Green disait :
« Le plus grand danger du monde, c’est de perdre le gout de Dieu »,
le goût de l’eau vive. Si nous-mêmes, qui portons en nous ce goût de Dieu, nous
le perdons, qui donnera au monde l’envie de le goûter ?
Je n’ai pas
beaucoup lu Sainte Thérèse mais une parole me frappe, qu’il me semble entendre
tous les jours : « Je désirais vivre et je ne vivais pas ! »(Vie 8).
Combien, aujourd’hui, sont ceux et celles qui disent ou qui pensent (quelque
soit la formule) « je désire vivre et je ne vis pas ! J’ai besoin
d’une eau vive, de me re-sourcer. Je cherche la source. » C’est là que la
vie et le message de Thérèse de Jésus nous bousculent comme elle l’a été
elle-même. Nous ressourcer nous-mêmes à la source d’eau vive de l’Amour Absolu
de Dieu, pour en laisser pressentir le goût, les bienfaits et le chemin à ceux
et celles qui ont soif et besoin, souvent sans oser le dire !
On comprend bien
pourquoi Ste Thérèse a un tel rayonnement spirituel, même au-delà des
frontières de l’Église : c’est un héritage qu’elle confie à sa famille, à nous
et à ne pas garder pour nous, dans un coffre, mais rendre accessible… peut-être
simplement par ce que nous sommes !
Près du puits,
Jésus nous attend, pour remplir nos cruches vides, les remplir d’eau vive,
source jaillissante de vie à partager. Parfois, c’est « de nuit » que
nous allons à cette source (Poème De Noche de Saint Jean-de-la Croix), mais la
soif de l’eau vive nous éclaire.
« Jésus,
Seigneur, donne-la moi, cette eau ! »
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