dimanche 16 octobre 2016

Homélie Sainte Thérèse d’Avila



Homélie Sainte Thérèse d’Avila
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson  

                À propos de cette rencontre entre la samaritaine et Jésus, Sainte Thérèse de Jésus écrit dans son autobiographie « Le Livre de la Vie » : « Que j’aime ce passage de l’Évangile ! Ce qui est certain, c’est que dès mon plus jeune âge je l’aimais, sans le comprendre comme aujourd’hui la valeur de ce bien que je demandais; je conjurais souvent le Seigneur de me donner de cette eau. » (Vie 30, 19)
                C’était le désir de Thérèse de Jésus, « Dans ton cœur un seul désir : Habiter Dieu, boire l’eau vive et donner soif de son visage » (chant d’entrée de la messe). C’est aussi notre désir et celui de notre monde d’aujourd’hui, cette aspiration à l’eau vive, dans un paysage trouble et troublé. L’eau vive a réhydraté la samaritaine dans sa vie, asséchée par ce qui ne pouvait pas combler sa soif d’amour.
L’eau vive a redonné courage et énergie à Thérèse dans son désir d’Absolu et sa recherche de Dieu, lorsque ce désir s’était quelque peu assoupi, à certains moments de sa vie, sous l’effet de quelques mirages, « les joies mondaines, faciles à satisfaire » (Vie 5) donnant l’illusion d’une eau dans le désert mais qui n’étaient pas point l’eau vive. Ce désir profond du goût de Dieu, d’une présence en elle s’est réveillée devant une image du Christ souffrant. L’humanité du Christ-Jésus, fatigué, assis au bord d’un puits, en plein midi, demandant à boire a bousculé la femme de Samarie.
                L’humanité du Christ souffrant s’est trouvé sur le chemin de Thérèse dans un oratoire. Elle a été « bouleversée » (Vie 9). Le puits de la rencontre, l’oratoire de la rencontre ont ouvert, dans l’humanité de Thérèse et de la samaritaine, des chemins qui les guideront vers un Absolu, qui est l’Amour, si Dieu est Amour.

                Quels sont nos puits, nos oratoires intérieurs, nos sources d’eau vie qui guident nos chemins dans notre recherche de Dieu ? l’oraison, la vie fraternelle, le silence, le détachement, la recherche de l’essentiel, que Thérèse s’est appliquée à désensabler, à raviver dans sa réforme. « Celui qui a Dieu ne manque de rien » « Solo Dios basta ». 
                « L'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle » (Jn 4,14), à condition de toujours désensabler la source pour qu’elle soit vraiment source. Une source bouchée n’est pas une source. Jacob, à ce puits où nous sommes, pour abreuver ses troupeaux avait soulevé une énorme pierre qui bouchait le puits. Comme Jacob, on a toujours à ôter les pierres qui ferment et enferment, et empêchent de s’abreuver à l’eau vive de la grâce, au don de Dieu. On a toujours à désensabler la source qui est en nous, dans nos institutions, dans la société, au risque de n’être plus ou pas assez irrigués, ensablés dans nos habitudes, les futilités, les prêts-à-penser et à porter qui empêchent la source d’être source créatrice. Cela a été la passion de Thérèse et de bien d’autres pour que ne se perde pas dans les sables et les alluvions, le goût de Dieu, le goût de la recherche de Dieu. L’écrivain Jules Green disait : « Le plus grand danger du monde, c’est de perdre le gout de Dieu », le goût de l’eau vive. Si nous-mêmes, qui portons en nous ce goût de Dieu, nous le perdons, qui donnera au monde l’envie de le goûter ?
                Je n’ai pas beaucoup lu Sainte Thérèse mais une parole me frappe, qu’il me semble entendre tous les jours : « Je désirais vivre et je ne vivais pas ! »(Vie 8). Combien, aujourd’hui, sont ceux et celles qui disent ou qui pensent (quelque soit la formule) « je désire vivre et je ne vis pas ! J’ai besoin d’une eau vive, de me re-sourcer. Je cherche la source. » C’est là que la vie et le message de Thérèse de Jésus nous bousculent comme elle l’a été elle-même. Nous ressourcer nous-mêmes à la source d’eau vive de l’Amour Absolu de Dieu, pour en laisser pressentir le goût, les bienfaits et le chemin à ceux et celles qui ont soif et besoin, souvent sans oser le dire !
                On comprend bien pourquoi Ste Thérèse a un tel rayonnement spirituel, même au-delà des frontières de l’Église : c’est un héritage qu’elle confie à sa famille, à nous et à ne pas garder pour nous, dans un coffre, mais rendre accessible… peut-être simplement par ce que nous sommes !
                Près du puits, Jésus nous attend, pour remplir nos cruches vides, les remplir d’eau vive, source jaillissante de vie à partager. Parfois, c’est « de nuit » que nous allons à cette source (Poème De Noche de Saint Jean-de-la Croix), mais la soif de l’eau vive nous éclaire. 
« Jésus, Seigneur, donne-la moi, cette eau ! »

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