Homélie
de la fête de Saint Jean de la Croix
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Nous avons eu
une belle session sur Saint Jean de la Croix, vous avez lu, médité ses œuvres.
La fréquentation de l’expérience spirituelle de Saint Jean de la Croix, dans
son approche de Dieu, nourrit notre propre vie spirituelle dans notre recherche
d’union à Dieu. Il reste que Saint Jean de la Croix peut apparaître
difficilement atteignable dans son expérience et cependant, il nous rejoint sur
notre chemin spirituel.
Un peu
difficile dans ce que dit de lui
l’oraison d’ouverture : le renoncement total à lui-même et un
extraordinaire amour de la Passion. La montée de l’échelle, qui mène à l’union
à Dieu, peut nous sembler rude et lente ! Cette échelle, dont le secret
pour y monter est de descendre !
On
n’a peut-être pas toujours le cœur à chanter l’expérience de la nuit, ou de la
source, que l’on connait dans la foi…nocturne, mais c’est le chemin de qui
cherche à s’approcher de Dieu, à être en union avec lui, chemin progressif
d’une rencontre, pour laquelle le Seigneur nous invite à ôter nos
« sandales », comme Moïse approchant du buisson. C’est consentir à un
dépouillement, à une nudité intérieure, sans autre moyen que de nous laisser
conduire par l’Esprit, dit Paul dans la 2ème lecture, non pas de
guider nous-mêmes l’Esprit là où nous voudrions le faire aller, mais nous
laisser guider par lui là où il nous pousse.
En
fait, Saint Jean de la Croix nous est proche : par la vérité, la densité
et la sincérité de son expérience humaine et spirituelle, qu’éclairent les
lectures de cette fête.
Le
fond commun, la base commune des manières diverses de s’approcher de Dieu et de
s’unir au Christ, c’est la réponse que nous donnons, chacun, chacune, réponse
concrète, dans nos vies, à la parole fondatrice de notre relation à Dieu et aux
autres. Elle est exprimée dans la 1ère lecture et par le
psaume : « Je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi, je serai avec
toi, parce que tu as du prix à mes yeux, parce que tu as de la valeur et que je
t’aime. »
C’est
la réponse à cet amour qui fonde notre expérience spirituelle. Rien ne se fait,
ne peut se faire sans une relation d’amour, sans aimer… Bien sûr, on peut
toujours faire des choses. Il s’agit, selon Saint Jean de la Croix, non pas de
faire (ça, ça va encore bien) mais de nous laisser faire, de laisser faire en
nous la présence de l’Amour de Dieu, de consentir librement à ce que cette
Parole efficace de Dieu, qui fait ce qu’elle dit, nous fasse grandir ou
descendre, dans la communion avec Lui. C’est l’expérience de la source, source
de l’Amour de Saint Jean de la Croix. La source, on croit la connaître. Quand
on est devant une source, on la voit sortir de terre, mais on ne sait pas d’où
elle vient, on ne voit pas les petits filets, les quelques gouttes qui se
fraient un passage dans l’obscurité et l’inconnu, les obstacles de la terre. Et
pourtant, elle coule… de source. C’est ce qui se passe dans les profondeurs de
notre être, de nos différentes communautés, exposé aux risques de dessèchement,
de la nuit, de l’obstruction par les évènements, par les autres, par nos
propres attitudes.
Ces
profondeurs ont besoin d’être réamorcées, réalimentées, re-sourcées c’est
un des messages de Saint Jean de la Croix. Il a fait cette expérience dans
les années de sécheresse, d’insuffisante ferveur de l’ordre dans lequel il était entré, et qui
l’ont poussé à chercher une autre source, celle des Chartreux…
Dans son
cachot de Tolède, où des frères l’avaient rejeté : « Je n’apercevais,
pour me guider, dit-il, que la lumière qui brille dans mon cœur. » Cette
lumière n’est autre que de se savoir aimé d’un amour qui attend une réponse
concrète, dans la vie. C’est la vérité
de toute vie spirituelle. Simplement.
« Ta main me conduit, ta droite me
saisit ». Encore faut-il consentir à se laisser conduire et à monter à
l’échelle en la descendant, à la rencontre de celui qui le premier est descendu
vers nous à Noël.
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