Homélie du 4ème
dimanche de l'Avent, année A
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Dans beaucoup de
villages, et ici au monastère, l'Angelus sonne... encore. Elle nous rappelle
l'événement de Noël : "L'ange du Seigneur apporta l'annonce à Marie."
Quand la jeune Myriam accueillit cette annonce, elle allait se marier avec le
charpentier du village, à qui elle était "promise". Ces moments ont
été très difficiles à vivre pour les deux. Ils s'aimaient, et envisageaient un
avenir ensemble. Imaginez Joseph, voyant revenir sa fiancée Marie de chez sa
vieille cousine, il voit qu'elle est enceinte, il sait que ce n'est pas de lui.
Et on n' imagine pas bien Marie raconter à son Joseph une histoire d'ange et de
Saint-Esprit. Situation douloureuse, surtout en ce temps-là. Joseph a deux
solutions : obéir à la loi religieuse - et civile, c'est la même- renvoyer
publiquement sa fiancée, en ce cas celle-ci était livrée à la honte, aux
jugements des hommes, condamnée à être tuée à coups de cailloux, le bébé aussi,
c'est la lapidation. Joseph aime tellement Marie, et réciproquement, qu'il ne
peut se résoudre à cette solution, même si c'est un homme religieux, ce n'est
pas possible. Alors, il pense à une deuxième solution :
renvoyer Marie, mais en secret, elle serait au moins
protégée, le bébé aussi. C'était son idée, à ce bon Joseph, dans la nuit de
l'épreuve douloureuse qui était aussi dans le cœur de Marie. N'avait-elle pas
demandé à l'ange : " Comment cela va-t-il se faire?"
La venue de
Dieu dans notre monde, à Noël, avant le chant des anges et des bergers,
commence par une crise douloureuse, humaine, d'amour, de confiance, d'inconnu,
dans ce couple promis. C'est la vérité de la présence de Dieu dans les réalités
les plus humaines de la vie sur lesquelles on est tenté de passer rapidement
pour le chercher dans les nuages et les beaux discours.
Alors, Joseph
? Dans la nuit de son épreuve et de son amour, et dans la nuit tout court d'un
sommeil tardant à venir, et qui finalement s'est emparé de lui par la fatigue,
Joseph a eu, lui aussi, son Angelus. " L'ange du Seigneur apparut en songe
à Joseph". L'annonce faite à Joseph, est inséparable de l'annonce faite à
Marie. Dans cette nuit, un messager s'est faufilé dans le tas de pensées, de
peurs, de questions, qui habitaient Joseph. Un souffleur s'est frayé un chemin
jusqu'au plus intime de la conscience et des soucis de Joseph : un souffle de
Paix, de tendresse, de confiance l'a rejoint : " N'aies pas peur, Joseph,
de prendre chez toi, Marie ton épouse." L'enfant qui est en elle, il vient
de Dieu, mais c'est à toi qu'il est confié. Tu en seras le père, puisque tu lui
donneras un nom, ta paternité sera reconnue. En effet, le père était celui qui
donne un nom au fils et l'insère dans une lignée, même si ce n'est pas le père
réel.
Joseph se
réveilla, la situation s'éclairait. Il a changé d'avis. " Il fit ce que
l'ange lui avait soufflé : il prit chez lui son épouse." L'Angelus à
Joseph rencontrait l'Angelus à Marie. C'est aussi notre Angelus à nous
aujourd'hui :
l'annonce que Dieu continue de mettre en plein cœur de
nos vies humaines. Nous sommes les Marie et les Joseph qui permettent cette
naissance et cette présence de Dieu dans nos crèches aujourd'hui, dans nos
épreuves et nos demeures, si nous écoutons le souffleur nous souffler des
gestes, des paroles de paix, de bonté, d'accueil, d'attention, d'amour... si
nous écoutons le souffleur nous souffler d'ôter de notre tête et de notre cœur,
comme Joseph, toute solution de rejet, de violence, de peur, de jugement, de
cancans.
C'est notre
Angelus : l'annonce faite à chacune et à chacun de nous. Joseph, le silencieux,
nous apprend la force et l'efficacité du silence. Non pas d'un silence qui
s'emmure et se replie sur lui-même mais le silence qui permet l'écoute, qui
ouvre le cœur en le fermant aux bruits de fond de toute méchanceté.
"Joseph est le silencieux comme la terre à l'heure de la rosée" écrit
Claudel. Ce qui permet la germination, le mûrissement de l'écoute du souffleur.
Que nos
Angelus ne nous trouvent pas avec des boules quies dans nos oreilles et dans
notre cœur, préservant nos égoïsmes, notre tranquillité et faisant de nous des
sourds aux attentes des autres et à celles du messager de Dieu.
La force et
l'efficacité du silence de Joseph : il n'a pas dit un mot sur cet événement, " il fit ce que l'ange
lui avait dit ". L'agir est sa réponse. Comme pour Marie : "
Qu'il me soit fait selon ta parole!"
Ces qualités
de Joseph ont pu faire dire à Sainte Thérèse d'Avila : " Qui n'a pas de
maître pour lui enseigner l'oraison, prenne Joseph pour guide, il ne risquera
pas de s'égarer."
En écoutant
sonner l'Angelus à Marie, pensons à l'Angelus à Joseph, c'est inséparable.
Pensons à notre propre Angelus, inséparable elle aussi. Quelle annonce nous est
faite aujourd'hui ? Saurons-nous l'écouter ?
En quittant
tout à l'heure le Carmel, avant la barrière verte, ralentissez ou arrêtez-vous
quelques secondes.
Regardez tout à droite : Saint Joseph, dans sa belle
statue blanche, vous fera un petit clin d'œil de connivence, mais en silence !
Écoute au fond de toi le souffle léger du souffleur.
C'est ton Angelus !
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