« Dans l’Enfant qui nous est donné l’amour de Dieu pour
nous se fait concret », explique le pape François qui a présidé la messe
de la nuit de Noël à 21h30, ce samedi 24 décembre, en la basilique
Saint-Pierre.
C’est le 4e Noël du pape François au Vatican et le 80e
anniversaire de son baptême.
A son arrivée au pied de l’autel de la confession, comme chaque
année, dans la basilique ruisselante de lumières, le pape a dévoilé et embrassé
la statuette de l’Enfant Jésus, parfumé d’encens, et fleuri par 12 enfants de
pays visités par le pape cette année, après le chant de la Calende.
Après le « Gloria », un gendarme et un pompier
du Vatican sont allés placer le santon représentant l’Enfant Jésus dans la
crèche maltaise de la place Saint-Pierre.
Après la lecture de l’Evangile de la Nativité, l’Evangile a été
placé à la tête de l’Enfant de la crèche de la basilique Saint-Pierre.
Le pape a indiqué comment entrer « dans le vrai
Noël »: « Entrons dans le vrai Noël avec les bergers, portons à Jésus
ce que nous sommes, nos exclusions, nos blessures non guéries. Ainsi, en Jésus,
nous goûterons le véritable esprit de Noël : la beauté d’être aimés de Dieu.
Avec Marie et Joseph, restons devant la crèche, devant Jésus qui naît comme
pain pour ma vie. Contemplant son amour humble et infini, disons-lui merci :
merci, parce que tu as fait tout cela pour moi. »
Il a invité à se pencher sur les enfants d’aujourd’hui:
« Laissons-nous interpeller par l’Enfant dans la mangeoire, mais
laissons-nous interpeller aussi par des enfants qui, aujourd’hui, ne sont pas
couchés dans un berceau et caressés par la tendresse d’une mère et d’un père,
mais qui gisent dans les sordides “mangeoires de la dignité” : dans le refuge
souterrain pour échapper aux bombardements, sur les trottoirs d’une grande
ville, au fond d’une embarcation surchargée de migrants. Laissons-nous
interpeller par les enfants qu’on ne laisse pas naître, par ceux qui pleurent
parce que personne ne rassasie leur faim, par ceux qui ne tiennent pas dans
leurs mains des jouets, mais des armes. »
Voici le texte de l’homélie du pape François.
AB
Homélie du pape François
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les
hommes » (Tt 2, 11). Les paroles de l’apôtre Paul révèlent le mystère de cette
nuit sainte : la grâce de Dieu s’est manifestée, son cadeau gratuit ; dans
l’Enfant qui nous est donné l’amour de Dieu pour nous se fait concret.
C’est une nuit de gloire, cette gloire proclamée par les anges à
Bethléem et aussi par nous aujourd’hui dans le monde entier. C’est une nuit de
joie, parce que depuis aujourd’hui et pour toujours Dieu, l’Eternel, l’Infini,
est Dieu-avec-nous : il n’est pas lointain, nous ne devons pas le chercher dans
les orbites célestes ou dans quelque idée mystique ; il est proche, il s’est
fait homme et ne se détachera jamais de notre humanité, qu’il a faite sienne.
C’est une nuit de lumière : cette lumière, prophétisée par Isaïe (cf. 9, 1),
qui illuminerait celui qui marche sur une terre ténébreuse, elle est apparue et
elle a enveloppé les bergers de Bethléem (cf. Lc 2, 9).
Les bergers découvrent simplement qu’« un enfant nous est né »
(Is 9, 5) et ils comprennent que toute cette gloire, toute cette joie, toute
cette lumière se concentrent en un seul point, dans ce signe que l’ange leur a
indiqué : « Vous trouverez une nouveau-né emmailloté et couché dans une
mangeoire » (Lc 2, 12). C’est le signe de toujours pour trouver Jésus. Non
seulement alors, mais aussi aujourd’hui. Si nous voulons fêter le vrai Noël,
contemplons ce signe : la simplicité fragile d’un petit nouveau-né, la douceur
de son être couché, la tendre affection des langes qui l’enveloppent. Là est
Dieu.
Avec ce signe, l’Evangile nous dévoile un paradoxe : il parle de
l’Empereur, du Gouverneur, des grands de ce temps, mais Dieu ne se fait pas
présent là ; il n’apparaît pas dans la salle noble d’un palais royal, mais dans
la pauvreté d’une étable ; non dans les fastes de l’apparence, mais dans la
simplicité de la vie ; non dans le pouvoir, mais dans une petitesse qui
surprend. Et pour le rencontrer il faut aller là, où il se tient : il faut
s’incliner, s’abaisser, se faire petits. L’Enfant qui naît nous interpelle : il
nous appelle à laisser les illusions de l’éphémère pour aller à l’essentiel, à
renoncer à nos prétentions insatiables, à abandonner l’insatisfaction pérenne
et la tristesse pour quelque chose qui toujours nous manquera. Cela nous fera
du bien de laisser ces choses pour retrouver dans la simplicité de Dieu-enfant
la paix, la joie, le sens de la vie.
Laissons-nous interpeller par l’Enfant dans la mangeoire, mais
laissons-nous interpeller aussi par des enfants qui, aujourd’hui, ne sont pas
couchés dans un berceau et caressés par la tendresse d’une mère et d’un père,
mais qui gisent dans les sordides “mangeoires de la dignité” : dans le refuge
souterrain pour échapper aux bombardements, sur les trottoirs d’une grande ville,
au fond d’une embarcation surchargée de migrants. Laissons-nous interpeller par
les enfants qu’on ne laisse pas naître, par ceux qui pleurent parce que
personne ne rassasie leur faim, par ceux qui ne tiennent pas dans leurs mains
des jouets, mais des armes.
Le mystère de Noël, qui est lumière et joie, interpelle et
bouleverse, parce qu’il est en même temps un mystère d’espérance et de
tristesse. Il porte avec lui une saveur de tristesse, en tant que l’amour n’est
pas accueilli, la vie est rejetée. C’est ce qui arrive à Joseph et Marie, qui
trouvèrent les portes fermées et déposèrent l’enfant dans une mangeoire, « car
il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (v. 7). Jésus est né
dans le refus de certains et dans l’indifférence de la plupart. Aujourd’hui
aussi il peut y avoir la même indifférence, quand Noël devient une fête où les
protagonistes sont nous, au lieu de Lui ; quand les lumières du commerce
jettent dans l’ombre la lumière de Dieu ; quand nous nous donnons du mal pour
les cadeaux et restons insensibles à celui qui est exclus.
Mais Noël a surtout une saveur d’espérance que, malgré nos
ténèbres, la lumière de Dieu resplendit. Sa lumière gracieuse ne fait pas peur
; Dieu, épris de nous, nous attire par sa tendresse, naissant pauvre et fragile
au milieu de nous, comme un de nous. Il naît à Bethléem, qui signifie “maison
du pain”. Il semble ainsi vouloir nous dire qu’il naît comme pain pour nous ;
il vient à la vie pour nous donner sa vie ; il vient dans notre monde pour nous
porter son amour. Il ne vient pas pour dévorer et pour commander, mais pour
nourrir et servir. Ainsi, il y a un fil direct qui relie la crèche et la
croix, où Jésus sera pain rompu : c’est le fil direct de l’amour qui se donne
et nous sauve, qui donne lumière à notre vie, paix à nos cœurs.
Ils l’ont compris, en cette nuit, les bergers, qui étaient parmi
les exclus d’alors. Mais personne n’est exclu aux yeux de Dieu et ce furent
vraiment eux les invités de Noël. Celui qui était sûr de lui, autosuffisant,
était chez lui au milieu de ses affaires ; les bergers au contraire « allèrent,
sans hésitation » (cf. Lc 2, 16). Nous aussi, laissons-nous interpeller et
convoquer cette nuit par Jésus, allons à Lui avec confiance, à partir de ce en
quoi nous nous sentons exclus, à partir de nos limites. Laissons-nous toucher
par la tendresse qui sauve ; approchons-nous de Dieu qui se fait proche,
arrêtons-nous pour regarder la crèche, imaginons la naissance de Jésus : la
lumière et la paix, la plus grande pauvreté et le refus. Entrons dans le vrai
Noël avec les bergers, portons à Jésus ce que nous sommes, nos exclusions, nos
blessures non guéries. Ainsi, en Jésus, nous goûterons le véritable esprit de
Noël : la beauté d’être aimés de Dieu. Avec Marie et Joseph, restons devant la
crèche, devant Jésus qui naît comme pain pour ma vie. Contemplant son amour
humble et infini, disons-lui merci : merci, parce que tu as fait tout cela pour
moi.
[Texte original: Français]
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