lundi 15 janvier 2018

Homélie du 2ème Dimanche année B



Homélie du 2ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
                 
        Ce dimanche est la 104ème journée mondiale du migrant et du réfugié, voulue par les Papes successifs.
            Cette réalité, d’une grande actualité, est complexe et difficile, surtout pour ceux qui vivent ces situations. Cette question fait débat dans nos pays occidentaux et chez les catholiques : elle mobilise des associations, des personnes, des paroisses, et dans le même temps, elle trouble un certain nombre de chrétiens.

            Le Pape François a placé cette réalité des migrants au coeur de son ministère, nous alertant sur les points fondamentaux de l’Évangile et de la doctrine de l’Église. Il n’est pas toujours compris et suivi. Et ce n’est ici ni lieu ni le moment de traiter de ces questions.
            Mais, quelles que soient nos opinions sur ce sujet, nous pouvons prier ensemble, dans l’esprit de l’Évangile de ce dimanche : au-delà des idées, des slogans, des analyses, des opinions, posons notre regard, notre coeur, notre réflexion sur les personnes concrètes : familles, enfants, jeunes, parents, personnes âgées… obligés de vivre ces situations pour fuir la guerre, la misère, l’occupation…
            Chacun et ensemble, demandons au Seigneur qu’il nous aide à voir ce que nous devons faire et qu’Il nous donne la force de l’accomplir !


            Dans l’évangile de ce jour, tout commence par un regard… ou presque !
            Que de choix, d’engagements, de comportements, d’orientations prennent naissance « parce qu’on a vu » ! « Quand j’ai vu ces situations, ces gens… Quand je t’ai vu… »
            Quand un regard posé sur moi a rejoint un désir profond, des projets, des convictions, alors quelque chose a changé dans ma vie. Souvent, le regard, accompagné parfois d’une brève parole, est à l’origine d’une mise en route intérieure.

            Jean le Baptiste est au bord du Jourdain, avec deux de ses disciples, il pose son regard sur Jésus qui marchait là, incognito, sans signe particulier. « Voici l’agneau de Dieu « , expression biblique désignant l’envoyé de Dieu attendu. Jean Baptiste voit au-delà de l’apparence qui est celui qui va et vient dans la foule. Son regard et sa parole mettent en route ses deux amis, à la suite de Jésus, désigné comme l’Agneau de Dieu. Le lendemain, c’est Jésus qui posera son regard sur Simon, amené par son frère André : « Nous avons trouvé le Christ ! » Une parole accompagne le regard de Jésus sur Simon : « Tu t’appelleras Pierre ! » Le regard et la parole appellent, transforment, envoient, espèrent quand ils ne sont pas juste un petit coup d’oeil jeté en passant, distraitement, en regardant ailleurs.

            Nous avons besoin de nous redire l’importance du regard et d’écouter l’Évangile : « Si ton oeil est bon, tout ton être sera bon mais si ton oeil est mauvais, ton être sera mauvais » (cf Mt6,22). Le regard est la fenêtre qui fait communiquer le dedans et le dehors, une fenêtre qui s’ouvre. Le regard fait souvent naître quelque chose de nouveau en l’autre, en nous, qui peut ouvrir ou bloquer (un regard aimant est appelant, un regard méprisant est bloquant).
            Le regard de Jésus sur ces deux amis qui le suivent s’accompagne d’une question : « Que cherchez-vous ? » C’est la première parole de Jésus dans l’évangile de Jean. Elle vient d’un regard. Elle se transformera à la fin de ce même évangile en « Qui cherchez-vous ? (Jn18,7) adressée aux gardes venus l’arrêter. Et au matin de Pâques, posant son regard sur Marie-Madeleine en larmes, Jésus dit : « Qui cherches-tu ? Pourquoi pleures-tu ? » (Jn20,15) Quand la recherche, les désirs intérieurs passent du « que », du « quoi » au « qui » … quelqu’un !

            Notre témoignage n’est pas une convocation sur des vérités, des discours mais un regard de l’intérieur vers l’intérieur, créateur d’une disponibilité et d’une recherche. Elle amène la question suivante : « Où demeures-tu ? C’est où chez toi ? » Chez toi, pas seulement et d’abord un lieu d’habitation mais « C’est comment en toi ? Comment es-tu ? Qui es-tu vraiment ? » Pas besoin de rue, de numéro, de boîte aux lettres, de sonnette… « Venez et vous verrez, soyez les bienvenus ! » Jésus n’enferme pas dans des réponses toutes faites, ni dans un lieu identifié. Il leur suggère de se rendre compte par eux-mêmes, librement, de découvrir, de poser eux-mêmes leur regard, d’écouter, de goûter une présence, simplement. C’était vers 16h. Ils se sont trouvés bien et ils sont restés toute la journée auprès de Lui. Ce temps auprès de Lui sera le départ d’une grande aventure que nous continuons aujourd’hui.

            Tout est parti d’un regard, d’une parole, de questions de temps passé avec, d’écoute, de partage, d’intériorité… Cette rencontre, ce regard, ces questions, profondément humains et profondément divins, éclairent le plus concret et le plus spirituel de nos relations avec les autres, avec le Christ, avec nous-mêmes.
            Ne serait-ce pas une petite lumière pour cette journée du migrant, par delà la diversité de nos opinions. Nos regards se posent souvent sur les problèmes, les considérations, les débats, les orientations politiques. Et c’est bien aussi d’essayer de comprendre. Mais, ose-t-on poser notre regard sur les personnes concrètes qu’il y a derrière les problèmes ? Familles, enfants, jeunes ou moins jeunes fuyant la guerre, la misère. Notre regard peut-il provoquer en nous et en l’autre cette question de Jésus : « Que cherchez-vous ? » Un regard, une question qui peuvent mettre en route même si nous ne pouvons pas faire grand chose, comme on dit !

            Et si le Seigneur posait sur nous son regard pour rendre nos propres regards ouverts, voyant l’intérieur, la souffrance de l’autre ? « Que cherches-tu ? Viens et vois ! »
            Ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là !

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