Homélie du 2ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
Cette réalité,
d’une grande actualité, est complexe et difficile, surtout pour ceux qui vivent
ces situations. Cette question fait débat dans nos pays occidentaux et chez les
catholiques : elle mobilise des associations, des personnes, des paroisses, et
dans le même temps, elle trouble un certain nombre de chrétiens.
Le Pape
François a placé cette réalité des migrants au coeur de son ministère, nous
alertant sur les points fondamentaux de l’Évangile et de la doctrine de
l’Église. Il n’est pas toujours compris et suivi. Et ce n’est ici ni lieu ni le
moment de traiter de ces questions.
Mais, quelles
que soient nos opinions sur ce sujet, nous pouvons prier ensemble, dans
l’esprit de l’Évangile de ce dimanche : au-delà des idées, des slogans, des
analyses, des opinions, posons notre regard, notre coeur, notre réflexion sur
les personnes concrètes : familles, enfants, jeunes, parents, personnes âgées…
obligés de vivre ces situations pour fuir la guerre, la misère, l’occupation…
Chacun et
ensemble, demandons au Seigneur qu’il nous aide à voir ce que nous devons faire
et qu’Il nous donne la force de l’accomplir !
Dans l’évangile
de ce jour, tout commence par un regard… ou presque !
Que de choix,
d’engagements, de comportements, d’orientations prennent naissance « parce
qu’on a vu » ! « Quand j’ai vu ces situations, ces gens… Quand je
t’ai vu… »
Quand un regard
posé sur moi a rejoint un désir profond, des projets, des convictions, alors
quelque chose a changé dans ma vie. Souvent, le regard, accompagné parfois
d’une brève parole, est à l’origine d’une mise en route intérieure.
Jean le
Baptiste est au bord du Jourdain, avec deux de ses disciples, il pose son
regard sur Jésus qui marchait là, incognito, sans signe particulier.
« Voici l’agneau de Dieu « , expression biblique désignant l’envoyé
de Dieu attendu. Jean Baptiste voit au-delà de l’apparence qui est celui qui va
et vient dans la foule. Son regard et sa parole mettent en route ses deux amis,
à la suite de Jésus, désigné comme l’Agneau de Dieu. Le lendemain, c’est Jésus
qui posera son regard sur Simon, amené par son frère André : « Nous avons
trouvé le Christ ! » Une parole accompagne le regard de Jésus sur Simon :
« Tu t’appelleras Pierre ! » Le regard et la parole appellent,
transforment, envoient, espèrent quand ils ne sont pas juste un petit coup
d’oeil jeté en passant, distraitement, en regardant ailleurs.
Nous avons
besoin de nous redire l’importance du regard et d’écouter l’Évangile :
« Si ton oeil est bon, tout ton être sera bon mais si ton oeil est
mauvais, ton être sera mauvais » (cf Mt6,22). Le regard est la fenêtre qui fait
communiquer le dedans et le dehors, une fenêtre qui s’ouvre. Le regard fait
souvent naître quelque chose de nouveau en l’autre, en nous, qui peut ouvrir ou
bloquer (un regard aimant est appelant, un regard méprisant est bloquant).
Le regard de
Jésus sur ces deux amis qui le suivent s’accompagne d’une question : « Que
cherchez-vous ? » C’est la première parole de Jésus dans l’évangile de
Jean. Elle vient d’un regard. Elle se transformera à la fin de ce même évangile
en « Qui cherchez-vous ? (Jn18,7) adressée aux gardes venus l’arrêter. Et
au matin de Pâques, posant son regard sur Marie-Madeleine en larmes, Jésus dit
: « Qui cherches-tu ? Pourquoi pleures-tu ? » (Jn20,15) Quand la
recherche, les désirs intérieurs passent du « que », du « quoi »
au « qui » … quelqu’un !
Notre
témoignage n’est pas une convocation sur des vérités, des discours mais un
regard de l’intérieur vers l’intérieur, créateur d’une disponibilité et d’une
recherche. Elle amène la question suivante : « Où demeures-tu ? C’est où
chez toi ? » Chez toi, pas seulement et d’abord un lieu d’habitation mais
« C’est comment en toi ? Comment es-tu ? Qui es-tu vraiment ? » Pas
besoin de rue, de numéro, de boîte aux lettres, de sonnette… « Venez et
vous verrez, soyez les bienvenus ! » Jésus n’enferme pas dans des réponses
toutes faites, ni dans un lieu identifié. Il leur suggère de se rendre compte
par eux-mêmes, librement, de découvrir, de poser eux-mêmes leur regard,
d’écouter, de goûter une présence, simplement. C’était vers 16h. Ils se sont
trouvés bien et ils sont restés toute la journée auprès de Lui. Ce temps auprès
de Lui sera le départ d’une grande aventure que nous continuons aujourd’hui.
Tout est parti
d’un regard, d’une parole, de questions de temps passé avec, d’écoute, de
partage, d’intériorité… Cette rencontre, ce regard, ces questions, profondément
humains et profondément divins, éclairent le plus concret et le plus spirituel
de nos relations avec les autres, avec le Christ, avec nous-mêmes.
Ne serait-ce
pas une petite lumière pour cette journée du migrant, par delà la diversité de
nos opinions. Nos regards se posent souvent sur les problèmes, les
considérations, les débats, les orientations politiques. Et c’est bien aussi
d’essayer de comprendre. Mais, ose-t-on poser notre regard sur les personnes
concrètes qu’il y a derrière les problèmes ? Familles, enfants, jeunes ou moins
jeunes fuyant la guerre, la misère. Notre regard peut-il provoquer en nous et
en l’autre cette question de Jésus : « Que cherchez-vous ? » Un regard,
une question qui peuvent mettre en route même si nous ne pouvons pas faire
grand chose, comme on dit !
Et si le
Seigneur posait sur nous son regard pour rendre nos propres regards ouverts,
voyant l’intérieur, la souffrance de l’autre ? « Que cherches-tu
? Viens et vois ! »
Ils demeurèrent
auprès de lui ce jour-là !
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