Homélie du 4ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
« C’était
plus fort que moi ! J’aurais dû ne pas être si méchant, pas ceci, pas
cela… » « J’aurais dû m’écouter ! » Ecouter qui, écouter quoi
qui habite en moi ? On connait bien ce mécanisme intérieur que Saint Paul,
lui-même, n’avait pas honte d’avouer comme quelque chose de difficile :
« Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne
voudrais pas » (Rm7,19).
Y-a-t-il un
colocataire en moi ? Écoutons l’Évangile de ce dimanche.
En pleine
assemblée de prière, un homme tourmenté par un esprit mauvais se met à crier :
« « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Je sais qui tu es : tu es l’envoyé de Dieu. » Cet homme dit « nous »
: « Que nous veux-tu ? » Ce n’était pas une formule de politesse, un
nous de majesté. Cet homme tourmenté n’était pas seul en lui-même. Quelqu’un
d’autre que lui avait squatté la partie centrale de son intérieur. Quel est ce
qui, ce quoi, parfois plus fort que moi ? Serais-je conditionné, déterminé par
mon passé, mon histoire, mes forces intérieures ? Mais alors, je suis encore
davantage conditionné par la première des forces qui est en moi ! la grâce, la
présence et la force de Dieu ! L’Esprit du meilleur en moi, qui m’appelle à la
liberté, à être vraiment moi-même.
C’est cette
tension qui souvent est en nous, entre la tentative du malin, de l’esprit du
mal pour s’héberger en nous, et ce que nous sommes, habités de Dieu. Cet homme
tourmenté, en qui l’esprit mauvais était venu se loger… il l’avait peut-être
laisser entrer par faiblesse, par connivence, par l’illusion d’une promesse
mensongère d’un faux bonheur : « Tu sauras, tu seras, tu verras… »
« Je sais qui tu es ! » Cela nous rappelle nos origines et c’est
aussi l’actualité de notre humanité.
Que nous
veux-tu ? Es-tu venu pour nous perdre ? Ou pour libérer cet homme tourmenté ?
Pour chasser le squatteur qui veut devenir l’habitant. Il nous arrive de nous
dire à nous-mêmes ou à d’autres : « Ça, ce n’est pas moi ! Ce n’est pas
toi ! Tu n’es pas comme ça ! Ce n’est pas ton coeur, mon coeur… » Nous
sommes parfois affrontés, comme Paul, à une lutte intérieure pour rester ce que
nous sommes, icônes de Dieu, et ce que nous sommes appelés à devenir : des
êtres libres dans le Christ qui nous libère. Un jeune moine dit un jour à un
moine âgé: « Abba Antoine, moi, je n’ai pas de combat ! » Abba
Antoine lui dit : « Tu n’as pas de combat parce que tu n’as pas de porte.
Mets une porte à ton coeur. Tu verras que tu as un combat. »
Jésus a bien
compris cet homme tourmenté : « Il l’interpella vivement », non pas
ce pauvre homme, mais le squatteur d’un moment : « Tais-toi, sors de cet
homme », en grec les verbes sont plus forts : « Musèle-toi, ferme la
! Déguerpis de là ! Tu n’es pas chez toi. » Jésus distingue cet
homme de celui qui voudrait prendre son chez lui. Il libère cet homme pour le
rendre à lui-même.
Nous avons en
nous-mêmes un espace de liberté, toujours à agrandir, à élargir, qui nous
permet, avec la force du Christ et de l’Esprit de dire au mal :
« Tais-toi, sors, tu n’es pas chez toi, même si j’ai eu la faiblesse de
t’entrouvrir la porte. » Il y a en nous plus que nous-mêmes, plus que
notre passé, notre histoire, nos comportements. Il y a la grâce, la beauté, la
bonté, l’Amour. Et « Ma grâce te suffit » (2Co12,9) dira Jésus à
Paul. Il savait à qui il parlait ! Cette grâce, cette présence de Dieu est
première en nous, en chacun, dès l’origine. Nous avons à veiller à la porte de
notre conscience, de notre raison, de notre coeur. Sainte Catherine de Sienne
dit que « L’être humain est beau parce qu’il vient du désir de
Dieu ». Cette beauté intérieure laisse des traces à l’extérieur et rend le
monde plus beau. Ne la laissons pas être squattée par toutes les « mochetés »
qui tentent de prendre sa place.
« Jésus le
Christ, lumière intérieure, ne laisse pas mes ténèbres me parler. Donne moi
d’accueillir ton Amour » … et ta liberté !
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