lundi 5 mars 2018

Homélie du 3ème Dimanche de Carême



Homélie du 3ème Dimanche de Carême

Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
           
            Jésus est en colère ! « C’est intéressant ! » me disait quelqu’un. « Ça me rassure, moi qui me mets souvent en colère ! » Ce n’est pas une raison. Et puis, il y a colère et colère : la colère pour des riens, pour des caprices, par agacement, et la colère qui est l’expression de la souffrance, du réveil des consciences devant l’inacceptable, ou réaction devant des atteintes à des valeurs fondamentales.  

            En entrant dans le temple, la maison de Dieu, voyant ce qui s’y passait - le trafic, les animaux, le commerce -, Jésus est outré. « Que fait-on dans la maison de mon Père, de Dieu  ? » Il s’agit de l’honneur et du respect de Dieu. Jésus veut faire respecter ce lieu visible de la présence de Dieu, son Père, un lieu sacré, saint, de la rencontre avec Dieu.

            Avec un fouet de cordes, il chasse dehors animaux et trafiquants. Avec les marchands de colombes, il est un peu plus doux : « Enlevez ça d’ici. Arrêtez de faire de la maison de mon Père une maison de trafic. »
            Ce mouvement de mécontentement nous concerne aujourd’hui : il s’agit du respect de ce qui est sacré, tout particulièrement de l’être humain : demeure de Dieu
            Depuis toujours, en chaque homme et femme, quelques soient leurs croyances ou leurs non-croyances, il y a le sentiment qu’il y a en nous plus que nous-mêmes, de l’autre que nous-mêmes, du sacré, du mystérieux. Nous chrétiens, nous osons le nommer Dieu, une présence qui nous dépasse, Autre et proche, plus présent à nous-mêmes que nous-mêmes.


            Aujourd’hui, on ne sait plus distinguer ce qui est sacré de ce qui ne l’est pas : le match de foot est sacré, la série TV est sacrée, l’ouverture de la pêche aussi… Que ne fait-on pas dire au mot sanctuaire, qui veut dire le lieu saint, le lieu sacré. On veut sanctuariser l’école, le terrain de boules… Je lisais récemment qu’il faudrait « sanctuariser le mois d’août »… Bien sûr, tout cela est bien et bon de sécuriser, de protéger, de préserver. Sans parler des « grands messes » qui sont devenues dans les médias tel rassemblement politique ou tel spectacle… avec des officiants…
            Qu’est-ce qui est sacré ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Y-a-t-il des valeurs qui valent ? Quand tout se vaut, quand tout est sur le même plan, plus rien n’a de valeur ! L’expression, entendue tous les jours sur un ton de désolation,  « Ah, mon bon Monsieur, on ne respecte plus rien ! » est dans la même logique.

            « Cessez de faire de la maison de mon Père, de la Création, de l’humanité, de l’être humain, de vous-mêmes du n’importe quoi ! » Quand on perd le sens du sacré, des valeurs, on se dés-humanise. L’écrivain Julien Green dit que le plus grand danger pour l’humanité est de perdre le goût de Dieu. En perdant le goût de Dieu, on perd le goût de l’humain, on perd le goût du sacré, on n’a plus de repères, tels qu’en donne la 1ère lecture. .
C’est un témoignage, une des responsabilités des chrétiens, un service à la société, c’est en particulier une mission des communautés religieuses, comme la vôtre, mes Soeurs, de développer et de donner ce goût de Dieu, qui donne goût à l’essentiel , à l’humain et à ce qui le dépasse.

            « De quel droit fais-tu cela ? Qui es-tu pour agir ainsi ? » demande-t-on à Jésus. « Détruisez ce sanctuaire. En trois jours, je le relèverai ! » Ils n’ont pas compris. Saint Jean ajoute : «  Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. » Le sanctuaire, le sacré dans le Christ est tout être humain et en particulier le plus fragile. « Vous êtes le corps du Christ » (1Co12,27). « Le sanctuaire de Dieu, ce qui est sacré, c’est vous » dit Saint Paul (cf 1Co3, 17). Toute personne humaine est sacrée, tel qu’on le chante dans un très bel hymne, mais ce n’est pas tout de le chanter. Elle est demeure de Dieu. Elle est image de Dieu, même si parfois, l’image est loin du modèle, nous le savons bien. Il n’empêche que nous le sommes, de fait. « Nous sommes nés de Dieu » dit Saint Jean (1Jn5,19).

            On entend bien que cette intervention un peu musclée de Jésus dans la maison de son Père est au coeur des débats actuels dans notre pays sur les questions fondamentales touchant à la vie, à la mort, à la souffrance, au développement humain. « Ne faites pas n’importe quoi de l’être humain et de l’humanité, maison de mon Père ! » En ce Carême, on entend bien aussi, chacun personnellement, cette parole de Jésus aux marchands de colombes : « Enlevez ça d’ici ! » Enlevons de nous-mêmes ce qui empêche Dieu, son Amour, sa Grâce, sa Bonté d’habiter chez  Lui, c’est-à-dire chez nous individuellement et chez nous ensemble.

            « Libère ! » est le mot de la semaine. Oui, libère, fais de la place à l’Essentiel !

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