Homélie du 2ème Dimanche de Pâques - Dimanche de la Divine
Miséricorde - Année B
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
Il en a du
succès, Thomas ! Et de plus en plus ! Dans une société où il faut tout
vérifier, prouver, démontrer. Saint Thomas n’est pas dépaysé aujourd’hui quand,
dans les relations et vis-à-vis des institutions la méfiance l’emporte sur la
confiance et détend les ressorts de la vie ensemble.
On se reconnaît
bien dans Thomas, le jumeau - c’est le surnom qu’il portait,
« Didyme », notre jumeau. Il est souvent cité : « Quand je
verrai, je croirai ! Je me méfie, je suis comme Thomas ! » Pourtant,
Thomas est quelqu’un de très généreux, une forte personnalité,
sympathique. Il est prêt à « mourir
avec lui » (Jn 11, 16) Que lui est-il arrivé ? Ce qui peut arriver à
chacun. Il avait tout misé sur Jésus quand il était parti avec lui. il lui
avait donné toute sa confiance. Et puis, l’aventure ne s’était pas déroulé, ni
fini, comme lui, Thomas, l’avait imaginé. C’est l’échec… provisoire. Mais ce
provisoire n’était pas dans la tête de Thomas.
Le soir de
Pâques, Jésus ressuscité vient au milieu de ses amis, Thomas n’est pas là,
parti sans doute ruminer sa tristesse quelque part dans la montagne ou au bord
du lac. A son retour, les amis lui racontent la nouvelle. Il ne les croit pas.
Thomas est en
panne de confiance. Il ne croit pas ceux qui ont vu Jésus vivant. Il a perdu
confiance en Jésus. Et par conséquent, il n’a plus confiance en lui-même.
Quelque chose en lui est brisé, comme un ressort. Le ressort de la confiance.
C’est notre expérience humaine que Thomas
a vécue et qui sera guérie par la rencontre de la Miséricorde de Dieu, dans le
Christ ressuscité. La confiance n’est pas naïveté, ni faiblesse, ni
insouciance. La confiance n’est pas guimauve. La confiance est un risque, qui
provient d’un choix. Un risque est à prendre et cela demande de l’énergie.
« Chaque jour, nous sommes appelés à refaire le chemin de l’inquiétude
vers la confiance » (Frère Alois in Pèlerins de confiance : le chemin
de communion suivi à Taizé).
Tout n’est
jamais complètement perdu. Et en Thomas, tout n’était pas complètement éteint
ni cassé. Sinon, il ne serait jamais revenu le dimanche suivant. De nouveau,
dans la maison, Thomas est là, Jésus revient… pour lui, pour nous. Les portes
sont verrouillées, et surtout, le coeur de Thomas est verrouillé. Quand le
coeur et l’esprit sont verrouillés, parfois, seuls le code de la Grâce du
Christ et la Miséricorde du Père peuvent ouvrir. Les portes verrouillées, Jésus
entre. Il commence à faire à tous le cadeau intérieur essentiel pour que
s’ouvrent les coeurs : « La Paix soit avec vous ! » Puis, à Thomas,
il ouvre toutes grandes les mains : « Vois, regarde, et touche mon
côté ». Par ce geste, Jésus invite Thomas, et nous avec lui, à déposer nos
propres blessures dans les plaies du Ressuscité. Nos propres misères deviennent
celles du Ressuscité. Jésus ne blâme pas Thomas, il ne méprise pas ses doutes,
il ne lui reproche pas sa panne de confiance. Avec douceur, il lui tend ses
mains. « Sois croyant », il l’invite à la confiance.
C’est cela la
miséricorde, que nous fêtons ce dimanche. La miséricorde
n’est pas un discours. Etre miséricordieux, c’est quelqu’un, c’est Dieu, c’est
la rencontre avec ce qu’Il est. Saint Thérèse de l’Enfant Jésus le dit :
« Dieu n’est qu’amour et miséricorde » (Lettre 247 à l’Abbé
Bellière). La miséricorde, ce sont deux réalités : le coeur (corde) qui s’ouvre
à celles et ceux qui ont des misères (miseri), les misères humaines de toutes
sortes. Une attitude humaine « issue de mes entrailles » dira
Jésus à Sainte Faustine (Petit Journal, §699). La miséricorde est une
attitude intérieure. Elle s’accueille et se redonne.
C’est Thomas et
sa brisure intérieure, c’est Pierre et son reniement, c’est la Samaritaine et
sa vie compliquée, c’est Marie-Madeleine et ses larmes…
Comme pour
Thomas, la rencontre des mains et du coeur du Ressuscité sont toujours un
nouveau départ : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » « Tu sais bien
que je t’aime ! » dit Pierre, « Donne-moi de cette eau vive »
dit la Samaritaine. Nous serons miséricordieux à notre tour, si nous acceptons
de remettre nos nos blessures dans les plaies du Christ Ressuscité.
« Avance ta main ! » Que serions-nous sans le doute de Thomas, les
lâchetés de Pierre. La miséricorde de Dieu brise les carapaces de nos
suffisances pour nous rendre poreux à la tendresse du Père et aux besoins de
nos frères et soeurs.
Jumeaux de Saint Thomas, laissons-nous
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire