Homélie de la fête du Saint-Sacrement - Année B
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
Nous sommes
tous rassemblés à la messe ce matin. Nous avons répondu à l’appel du Christ à
partager son repas: le don de ce qu’il est.
C’est le
dernier repas que Jésus prend avec ses amis avant de partir pour le mont des
oliviers. On connait la suite…
Ce dernier
repas est le premier repas qui a traversé les siècles et les frontières. Il
continue de réunir les amis de Jésus, comme nous ce matin. On est au coeur de
notre existence de chrétiens et au coeur de l’avenir définitif de notre
humanité.
L’Eucharistie,
comme nous l’appelons aujourd’hui, « est la source inépuisable de la vie
chrétienne » dit le concile Vatican II, la racine, le centre de la
communauté chrétienne. Elle est la présence réelle du Christ qui nous donne ce
qu’il est pour que nous devenions Lui, en communion à ce qu’il est et à sa
parole, « Prenez, c’est mon corps ». Puis, prenant une coupe, il la
leur donna et ils en burent tous…même Judas. « Ceci est mon sang versé
pour vous ». Il ne s’agit pas d’une commémoration banale d’un passé mais
de la présence réelle du Christ qui se fait nourriture d’Amour pour qu’à notre
tour, nous soyons nourriture d’amour, de charité les uns pour les autres.
Ce repas, comme
au dernier soir, est sacré. Il est testament. Il demande tous nos soins, notre
accueil et notre disponibilité, notre participation et notre appétit à nous
laisser nourrir de la personne du Christ lui-même. Sainte Elisabeth de la
Trinité, sortant de la messe de sa première communion, disait : « Je n’ai
plus fin, Jésus m’a nourrie. » Comme pour tout, l’habitude nous guette :
on connait, les mêmes rites et les mêmes
prières reviennent. On peut s’ennuyer, surtout pendant les homélies - elles ne
sont pas l’essentiel de la messe.
« Devenez
ce que vous recevez », là est l’essentiel. Le corps, l’être du Christ.
Dans le langage amoureux, on dit volontiers : « je te mangerai » ,
« j’ai faim de toi », « je bois tes paroles ».
Devenir ce que
nous recevons pour vivre, pour affronter la vie et ses turbulences, pour être
témoins de celui que nous recevons. « Une Eucharistie qui ne se traduit
pas en pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée » écrit
Benoît XVI.
Nous ne sommes
pas seulement des êtres de chair. Nous sommes esprits, relations, sentiments,
choix, comportements qui ont besoin d’être nourris. Sinon, la meilleure part de
nous-mêmes risque de s’affaiblir, de s’étioler. C’est la ruse du démon. Il
avait essayé avec Jésus au désert : « Tous ces cailloux, tu peux en faire
des pains. » Ce qui lui valut la réponse cinglante de Jésus, combien
actuelle et peut-être plus encore : « on ne vit pas seulement de pain et
de choses matérielles pour exister vraiment. »
Edith Stein,
Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, carmélite morte en déportation à
Auschwitz, voyait dans l’hostie « pétrie de fin silence, le coeur de Dieu
qui bat pour tous les hommes». Elle ajoute : « Ton coeur vient pénétrer le
mien, je ne suis plus alors ce que j’étais avant. » Le don de l’Amour du
Christ se fait nourriture : « Prenez et mangez » pour devenir ce que
nous recevons. Non pas pour notre petite (ou grande) dévotion, non pas pour
garder pour nous cet Amour qui s’abime si nous l’enfermons.
Quelqu’un
disait au curé d’Ars : « Je ne sais pas si je vais communier, je n’en suis pas
digne! » Le Saint curé d’Ars, que l’on ne peut accuser de brader les
sacrements, a répondu : « Bien sur que vous n’en êtes pas digne mais vous
en avez besoin ! »
Le don du
Christ n’est pas une récompense aux soit-disants parfaits, dignes, comme on
donne une image ou un bon point à un enfant bien sage. L’Eucharistie, c’est le
pain pour la route. Il est parole et pain. Chaque Eucharistie est Emmaüs pour
ceux qui marchent, pour qui ceux pour qui la vie est difficile. C’est la
présence réelle du Christ qui demeure quand nous sortons de la messe, c’est
même là qu’elle commence réellement, la messe.
Nous ne vivons
pas du souvenir du Christ, nous vivons de sa présence. Nous avons à la rendre
présence réelle dans notre quotidien.
Devenons ce que nous
recevons : le corps du Christ.
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