Homélie du 11ème Dimanche année B
Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
Un ami qui
venait de vivre un événement fort, chargé d’émotion, qui le touchait
profondément, me disait : « Je n’ai pas de mots pour te dire, je ne sais pas comment dire ! » C’est
parfois difficile de trouver les mots - les vrais bien sûr, pour exprimer une
expérience intérieure d’admiration, d’indignation, de bonheur ou de peine. Les
mots nous manquent pour dire l’essentiel.
C’est le cas
pour Jésus dans cet Evangile. Il veut nous parler du Royaume, du règne de Dieu
et les mots lui manquent. C’est le coeur de sa vie, c’est le pourquoi il est
envoyé : le Royaume, le règne de Dieu. Ce sont des mots et des réalités
difficiles. Un royaume, un règne, pour des franc-comtois, ça ne suscite pas
d’emblée un grand enthousiasme ! Le Royaume de Dieu, c’est notre monde, c’est
nous, notre humanité en train de devenir « monde de Dieu », dès
maintenant et ici. Il le sera totalement au terme de l’histoire, réalisé par le
Christ, un monde où « Dieu sera tout en tous » (1Co15,28), un monde
d’amour, de justice et de paix. Ce monde
qui nous est promis, est déjà là, parmi nous. Et il est à réaliser au
quotidien.
C’est sa vie, à
Jésus ! C’est pourquoi il a du mal à l’exprimer avec des mots. « À quoi
allons-nous comparer le règne de Dieu ? »
Par quelle image pouvons-nous le représenter ? » Alors, il
prend des choses simples de la vie quotidienne, de l’environnement des gens qui
l’écoutent.
« Le règne
de Dieu, c’est comme… » Ce n’est pas ceci ou cela, c’est comme, cela
ressemble à … La parole est déjà plus accessible.
Le règne, le
Royaume de Dieu, c’est comme quand on sème de la graine : elle pousse si on
dort et si on se lève. C’est comme une graine qui devient un arbre.
Notre monde,
transformé en monde de Dieu se ferait tout seul ? Si oui, on ne serait pas là
où on en est !
Pour que la
graine pousse, il faut certaines conditions, que Jésus n’oublie pas dans cet
Evangile : « Il en est du règne de Dieu comme
d’un homme qui jette en terre la semence ». Il faut semer, et semer en
terre, pas sur les cailloux ou dans le vent. Il faut semer une semence qui soit
vivante, qu’elle ne soit pas sèche et morte. Il faut qu’elle ait en elle cette
énergie vitale lui permettant de se développer. Il sera nécessaire aussi de
travailler la terre, d’arroser si besoin, de prendre soin de la plantation pour
favoriser son développement. Dieu agit, même si on dort mais à condition qu’on
sème ! « Un homme qui jette en terre la semence » : c’est notre responsabilité
de semeur et alors Dieu agira.
Ce que l’on
sème, c’est notre manière de vivre pour soi et pour les autres. Si nous vivons
dans la paix, dans la justice, dans la vérité, dans l’amour, dans ce que nous
avons à faire, dans l’écoute, dans le respect, dans la recherche de Dieu, alors
ces semences pousseront. Les comparaisons que prend Jésus nous rendent
attentifs à notre vie concrète, réelle, là où d’abord germent les graines de
Dieu : en nous-mêmes. Alors, nous pourrons prendre de la graine pour la semer
ailleurs.
Une graine,
c’est peu de chose, dit Jésus, comme une graine de moutarde : on la met en
terre, première condition, elle est toute petite. Une fois semée, elle prend du
volume, à tel point que les oiseaux peuvent y faire un nid !
Pour que se
réalise le Royaume de Dieu, Jésus nous rend attentifs à semer en terre, dans la
vie, pas dans le vent, ces petits gestes, ces attentions, ces écoutes, ces
paroles, ces regards, ces présences, ce temps donné ou des engagements plus
forts dans divers domaines de la société, de la vie du monde et de l’Eglise.
Semons des
graines vivantes, qui ont en elles l’énergie qui les fera pousser. Le Père
Congar (o.p), un des acteurs du Concile Vatican II, écrivait dans son journal :
« Entre 1kg de graines de blé vivant et une tonne de bois mort, je
n’hésite pas. » Ces paraboles sur le Royaume de Dieu nous disent aussi que
le temps des semailles n’est jamais séparé du temps de la patience et de la
confiance. C’est bien sûr le temps de l’espérance, non pas dans la passivité -
« Si ça pousse tout seul, alors laissons faire ! »
Le temps de
l’espérance est celui de la responsabilité de semer dans la terre de la vie
quotidienne des semences du Royaume, du monde de Dieu, faisant ce qui nous
revient de faire, tout en étant dociles à Celui qui fait pousser.
Confiance,
patience, espérance sont inséparables d’une part d’invisible. « Nous
cheminons dans la foi, non dans la claire vision (2ème lecture).
Que l’Esprit
Saint nous rende capables de semer de petits commencements et de voir en eux
des promesse d’avenir.
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