Homélie du 3ème dimanche de Carême Année C 2019

Homélie  du 3ème dimanche de Carême Année C 2019

Carmel de Saint Maur - Père Maurice BOISSON

Ex 3,1-8a.10.13-15 ; 1 Co 10,1-6.10-12 ; Lc13,1-9.

C'est une belle saison que celle-ci où pointent les bourgeons, où éclosent les fleurs et les feuilles, où bientôt on pourra deviner l'avenir : y-aura-t-il des fruits? Avec l'inconnu de leur arrivée à maturité.

Porter du fruit suppose que l'arbre soit taillé, soigné, que le sol où il est planté soit travaillé et nourri, que les intempéries ne soient pas trop néfastes. Bref : l'image de nos vies. En nous parlant du figuier qui n'a pas donné de fruits depuis 3 ans, Jésus parle de nous et de Dieu. De nous, de l'appel à porter du fruit, de notre fragilité et de l'espérance qui est en nous. Il nous parle de Dieu : le vigneron patient, bon, aimant sa vigne, la soignant, espérant de beaux fruits, si nous ajustons nos désirs aux siens.

Tandis que le propriétaire du figuier veut couper cet arbre improductif : il n'est plus rentable, il épuise le sol, une attitude bien actuelle - le vigneron propose de s'en occuper, de le soigner, de travailler la terre où il est planté, de le nourrir-. "Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir?...". Le vigneron est proche de sa vigne, il l'aime, il sait ce qu'il faut faire, il ne désespère pas. Surtout, il sait de quoi le figuier a besoin : de soin et de patience. 

"Mon Père est le vigneron" dit Jésus... Le figuier était planté dans la vigne, ou au bord, comme autrefois (le pêcher dans nos vignes, ça faisait partie de la vigne). Je prends soin de toi, dit le vigneron au figuier, mais mets-y du tien et tu seras sauvé, désires toi-même porter du fruit. En le travaillant, en le nourrissant, en le taillant, le vigneron aide le figuier à porter du fruit et le figuier répond à cette attente. Il fait ce pourquoi il est planté : ainsi nos vies. Dieu ne condamne pas le figuier, il le sauve; "Laisse-le encore cette année...". "Dieu ne veut pas la mort du pécheur". "Il réclame notre vie à la tombe" dit le psaume de ce jour.

L'espérance de Dieu sur nous est infinie. Son pardon est infini. Pour qu'à notre tour, notre espérance sur les autres, notre pardon, notre soin soient donnés, offerts, comme les siens. 

Le père Lataste, aumônier de prison des femmes, il y a 2 siècles, disait : "Pour se donner à nous, Dieu ne regarde pas ce que nous avons été mais ce que nous sommes". Le désir de Dieu est de ne pas nous perdre, malgré nos errances, de ne pas nous couper malgré nos sécheresses et nos stérilités... Il ne peut et ne veut pas le faire sans que nous y consentions activement, sans que le terrain où nous sommes plantés soit favorable à la croissance, à la pousse, sans qu'il nourrisse le figuier, qu'il le vivifie (c'est le 3ème mot de ce chemin de Carême écrit sur le panneau de la chapelle du Carmel). Vivifier : fortifier la vie, la croissance, l'être.

L'expérience de Moïse appelé par Dieu à libérer son peuple de ses misères - c'est la 1ère lecture - exprime les mêmes attentions de Dieu et les mêmes appels. Comme Dieu , le vigneron, a mal de l'état de fragilité du figuier et il fait tout pour lui donner sa chance. Dieu voit la souffrance de son peuple, il veut le libérer de sa misère, malgré ses faux pas vers les idoles. Pour cette mission, il a besoin de Moïse, il a besoin de la volonté de son peuple, de revenir à lui...de se convertir à son désir à Lui, Dieu, qui veut rendre ce peuple heureux en lui promettant une terre.

Sur ce chemin de Carême, le message de ce 3ème dimanche est toujours celui de l'appel  à  la conversion, au réajustement de notre vie sur le désir de Dieu. C'est un appel à consentir, à nous laisser travailler de l'intérieur et nourrir notre vie intérieure, comme le vigneron retourne, aère et amande la terre pour ne pas nous dessécher et pour porter de bons fruits. C'est un appel à répondre à l'espérance de Dieu sur nous par la confiance en Lui. Il nous donne la vie, la croissance et l'être pour porter du fruit. Nous avons besoin du soin du vigneron. C'est l'avertissement de Paul à la derrière ligne de la 2ème lecture : "Celui qui se croit solide, qu'il fasse attention à ne pas tomber", à ne pas se dessécher comme le figuier.

Laissons-nous soigner et vivifier de l'intérieur par notre Père qui nous aime et prend soin de nous.