Homélie 5ème
dimanche de Carême C 2019
Carmel de Saint
Maur - Père Maurice BOISSON
Is 43,16-21 ; Ph
3,8-14 ; Jn 8,1-11.
Le
temps du Carême n’est pas fait d’abord pour nous regarder nous-mêmes, mais pour
regarder Dieu, nous rapprocher de Lui et nous laisser transformer par Lui.
Comme
nous avons regardé, dimanche dernier, le père plein de tendresse et d’amour
accueillant son fils parti et revenu, regardons ce matin Jésus, le Christ,
notre frère, dans sa rencontre avec une femme pécheresse dont nous venons
d’entendre le récit. Que son attitude inspire notre vie.
(Entre
parenthèses, ne comparons pas ce récit avec les évènements actuels qui secouent
l’Eglise, il ne s’agit pas des mêmes situations).
Jésus
est entrain de parler, d’enseigner dans le temple. Les scribes et les
pharisiens, gardiens de la Loi religieuse (« qu’ils n’observent pas eux-mêmes »,
dit Jésus) « amènent » une
femme prise en flagrant délit d’adultère ! Il fallait qu’ils l’aient
suivie ! Elle se retrouve là, au milieu des gens, devant Jésus, accablée
du poids des regards violents de ces hommes et du poids de sa propre
culpabilité. Les pharisiens, coupant la parole à Jésus, dévoilent leur
piège : cette femme est un prétexte pour accuser Jésus lui-même... Dans la Loi de Moïse, disent-ils, « Moïse a ordonné de lapider ces femmes
là » (Jn 8,5) c’est-à-dire : de les tuer à coup de pierres.
« Et toi que dis-tu ? »
(Jn 8,5). Si Jésus dit « Non ne la tuez pas » il est contre la Loi de
Moïse et lui aussi mérite la mort. S’il dit « oui allez-y, jetez lui les
pierres ! », il dit tout le
contraire de son message et il n’est plus crédible, arrêtons-le...
Quand
le cœur humain veut faire du mal, il emploie les moyens du mal. Quand la ruse,
le piège, le mensonge, s’allient à la méchanceté, quand il se sert des autres
pour accuser, c’est ce qu’il y a de plus destructeur.
Une
fois de plus, Jésus ne rentre pas dans
ce jeu de la violence et du piège. Par son calme, sa douceur et son
intelligence, il va piéger les piégeurs. Il s’abaisse. Il se tait.
Il
n’est plus à la hauteur de ceux qui accusent, il ne croise pas leurs regards.
La réponse de Jésus n’est pas dans la réfutation, les paroles, mais dans son
comportement. Il désamorce la violence de ceux qui avaient déjà les pierres
dans leurs mains. Il écrit sur le sol. Une parole émane de ce calme, qui
renvoie chacun à sa conscience, à son propre péché. « Celui d’entre-vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui
jeter une pierre » (Jn 8,7). Les accusateurs s’en vont. Cette Parole a
brisé le cercle des enfermements intérieurs, l’enfermement des pharisiens dans
leur observance hypocrite et asservissante de la Loi donnée par Dieu comme délivrance :
on le chante « Ta Parole,
Seigneur, est vérité, et ta Loi délivrance ! ». Jésus brise aussi
l’enfermement de cette femme dans sa culpabilité et dans sa honte d’être jetée
en pâture... Jésus n’approuve pas, ni le péché, ni la violence accusatrice, il
libère. Dieu libère. L’Evangile libère des enfermements. Dans « enfermement »,
il y a le mot « enfer ». Jésus libère, il appelle à changer nos
cœurs, nos comportements. C’est l’appel de cette dernière semaine de Carême rappelé
sur le panneau de la chapelle.
Jésus
reste seul avec cette femme. Il ne restait que deux, dit Saint Augustin :
« La misère et la miséricorde ».
La misère intérieure et le cœur qui guérit la misère. « Miséri-corde ».
Dans ce face à face, Jésus ne « dé-visage » pas cette femme comme ses
accusateurs. Il « en-visage » de lui donner un nouveau visage, une
vie renouvelée, des relations re-crées. Jésus s’est redressé pour la relever,
lui redonner cœur, lui tendre la main, la main de Dieu qui redonne vie.
Il
ne dit pas : « Ce que tu as fait, c’est bien ! » ni
« tu mérites la mort » mais 3 mots de résurrection : « Je ne te condamne pas ». « Va et désormais ne pèche plus » (Jn
8,11). Relève-toi, reprends la route de ta vie autrement. Retrouves ta dignité
comme le fils parti et revenu a retrouvé la sienne dans l’amour du père. Les
pierres dans les mains des pharisiens se sont retrouvées sur le tas de
cailloux. La pierre qui pesait sur le cœur de cette femme lui est ôtée, comme
la pierre qui empêchait la samaritaine de trouver l’eau vive. La miséricorde
n’est pas la vertu des faibles mais la force des forts. Elle ouvre de espaces pour
sortir des enfermements, des enfers, où
parfois nous nous mettons et où parfois les autres nous mettent.
Recentrons-nous
sur le regard de Dieu, du Christ et de l’Esprit. Laissons nous libérer par le
Christ, aimer par le Père et inspirer par l’Esprit Saint.
Laissons
les pierres destructrices et tueuses sur le tas de cailloux, c’est leur place
et pas dans nos cœurs !
Reprenons
la prière d’ouverture de notre Eucharistie : « Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d’imiter avec joie la charité du
Christ » (Oraison d’ouverture).
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