Homélie du 5ème dimanche de Pâques C 2019
Carmel de Saint Maur- Père Maurice BOISSON
Ac 14,21b-27; Ap 21,1-5a; Jn 13,31-33a.34-35.
"A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes
disciples". A ceci, à quoi? : "Si vous avez de l'amour les uns pour
les autres". Aurions-nous l'exclusivité de l'amour, de la charité, de
l'attention aux autres?... On a du mal à y croire !
Beaucoup de gens autour de nous, dans nos
connaissances, se disant athées ou non pratiquants, sont dévoués, participent à
des associations humanitaires et caritatives ou sont tout simplement attentifs
aux gens dans le besoin matériel ou moral. Beaucoup de chrétiens aussi, et
d'associations chrétiennes, ont le souci actif des autres.
Alors? A quoi peut-on reconnaître les disciples du
Christ? A ceci : "Aimez-vous comme je vous ai aimés, - c'est un
commandement nouveau". Le signe distinctif c'est le "comme je vous ai
aimé" et nouveau : toujours d'actualité.
Aimez-vous les uns les autres, c'est le patrimoine
humain de l'origine, dans les diverses cultures, religions, relations. Ça fait
partie de l'humanité. L'être humain est ainsi fait : à l'image du créateur,
"Dieu est Amour". Cette image est abîmée et s'abîme -quand elle n'est
pas détruite, défigurée- par la présence du mal, le malin, le démon, qui sème
dans les cœurs les ingrédients destructeurs des relations, du désir et de la
force d'aimer.
S'aimer les uns les autres ne se décide pas, on est
fait pour ça... Si quelqu'un me dit : "Je suis tombé amoureux" je ne
lui demande pas s'il l'a décidé. On ne décide pas non plus d'avoir plus ou
moins d'affinité, d'amitié, de se sentir plus proche avec untel ou unetelle.
Par contre, aimer comme le Christ, comme Dieu nous
aime, il faut le vouloir. C'est ce que le Christ demande à ceux qui croient en
lui. Il nous le demande la veille de mourir, c'est son testament, après avoir
lavé les pieds de ses amis. Ce sera notre jugement. "Nous serons jugés sur
l'amour" (Saint Jean de la Croix), sur notre manière d'aimer, "comme
je vous ai aimé".
Il ne s'agit pas d'une douce attitude sentimentale,
émotionnelle ou intéressée. Elle prend tout l'être dans le don de soi, gratuit,
qui reconnaît l'autre au-delà des apparences, des "on dit", des
faiblesses et des étiquettes. "Comme", "comme je t'aime",
toi Pierre qui tout-à-l'heure va me renier. "Comme je t'aime", Matthieu,
le douanier sans scrupule, "comme je vous aime" Marie-Madeleine, la
samaritaine, dans vos vies compliquées ; les lépreux, les miséreux en tous
genres dans vos existences abîmées, etc... "Comme je vous ai aimés",
dit Jésus, dans ce que vous pouviez et alliez devenir. L'amour de Jésus est un
amour qui nous espère. Que serions-nous si personne ne nous avait jamais aimé?
Nous ne serions personne...
Sainte Thérèse de Lisieux, dans l'histoire de sa
vie, évoque une soeur "qu'elle ne pouvait pas sentir", comme on dit.
Elle l'agaçait pronfondément. Saint Thérèse agissait envers elle comme si elle
était sa meilleure amie. C'est ça qui est nouveau, aimer l'autre quel qu'il
soit, tel qu'il est, tel qu'il peut devenir... tel qu'il devient s'il se sait
aimer. Cette façon d'aimer "à la chrétienne" comme Dieu nous aime,
est ni faiblesse, ni démission, ni aveuglement sur la réalité des difficultés
des relations, c'est la force intérieure de l'amour de Dieu en nous, qui peut
nous faire dire "Je t'aime"... quand même!
C'est un chemin de conversion auquel le Christ nous
invite dans le message de ce dimanche -chemin difficile mais qui fait grandir
humainement, spirituellement, socialement... un chemin dans la vérité. "Si
tu dis que tu as la foi, écrit Saint Jacques, mais que tu n'agis pas avec
charité, tu es un menteur".
"Aimez-vous, comme je vous ai aimés".
Cette force d'aimer "comme" ne se trouve pas seulement dans nos
réserves personnelles. C'est un don, une grâce à demander dans la prière. La
vie ensemble en sera meilleure. "Comme je vous ai aimés, vous aussi
aimez-vous les uns les autres et on vous reconnaîtra comme mes disciples".
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