Homélie du 20ème
dimanche TOC 2019
Carmel de Saint Maur
- Père Maurice BOISSON
JR 38, 4-6.8-10;
He12,1-4; Lc12,49-53.
"Je suis venu
apporter un feu et la division sur la terre".
En entendant ces
paroles de Jésus, vous vous êtes peut-être demandé si j'avais pris le bon
livre! On n'est pas habitué à ce langage dans la bouche de Jésus. On aime mieux
entendre : "Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix". Ou bien :
"Heureux les artisans de Paix" ou encore "La Paix soit avec
vous". Et quand Jésus dit "qu'il est venu allumer un feu", on
pense aux images des incendies destructeurs de cet été. Oui, ces paroles
peuvent-être déroutantes! Peut-être parce que nous vivons notre foi
relativement au calme. On n'est pas dans la situation du prophète Jérémie dans
la 1ère lecture : "Jeté dans une citerne pleine de boue parce qu'il dit
des vérités aux princes de son temps au nom de Dieu".
On n'est pas non
plus dans les pays où les chrétiens sont chassés, persécutés pour leur foi. En
parlant de feu et de divisions Jésus fait un constat : Il est, de fait, cause
de conflits, de divisions, de violences pour ceux qui adhèrent à lui. En son temps,
et quand saint Luc écrivait son Evangile, la tension était grande entre ceux
qui tenaient à garder la religion juive et ses pratiques et ceux qui adhéraient
avec enthousiasme à la nouveauté libératrice du message de Jésus. Ces divisions
traversaient la société et aussi les familles, on vient de l'entendre. Le père
contre le fils et réciproquement, la mère contre la fille, jusqu'à la
belle-mère contre la belle-fille et inversement. La famille est éclatée par les
positions religieuses de ses membres. A tel point que si un membre de la
famille se convertissait, on pouvait le dénoncer et le mener au tribunal, la
religion d'alors ne faisait qu'un avec la vie politique et sociale. Des
situations semblables existent encore aujourd'hui.
Sans être très
violents, ni poussés jusqu'à la rupture, les conflits, les oppositions existent
dans les relations familiales, amicales, sociales, à propos de la religion, de
la non-croyance, de l'indifférence...
Sans être source de
ruptures, ces relations sont marquées par l'incompréhension, les regrets, la
distance, parfois la culpabilité : "on fait baptiser ou pas?",
"Ils sont pas mariés à l'Eglise"... Etc... C'est vrai aussi par
rapport aux grandes questions de société sur lesquelles l'Evangile et la foi ne
sont pas neutres : fin de vie, procréation, immigration, écologie, respect de
la personne humaine, justice etc...
On sent bien les
affrontements, les divisions, dans les façons de penser et de vivre. "Je
suis venu mettre un feu et la division". C'est bien un constat que fait Jésus,
vivre à la chrétienne selon l'Evangile peut-être une source de confrontations,
de conflits, sauf si on se modèle sur l'air et les pratiques du temps, en ce
qui concerne, non pas les bricoles, mais les enjeux fondamentaux, déterminants
pour le bien de l'humanité et de la société.
Rassurons-nous, Jésus
continue de nous appeler à la Paix et à nous la donner : la Paix qui prend en
compte les différences non pour les niveler mais pour enrichir les uns et les
autres, la Paix qui respecte les convictions mutuelles, sans reniements, mais
dans la recherche d'une vérité et d'un bien qui dépassent les uns et les
autres. Cette Paix s'enracine dans l'écoute mutuelle, le dialogue, et
l'enracinement en profondeur de nos convictions, "pour pouvoir rendre
compte, dit Saint Pierre, de l'espérance qui nous anime" mais, ajoute-t'il
"que ce soit avec douceur et respect".
C'est ce feu que
Jésus est venu allumer, pas le feu destructeur. Ce feu qui éclaire toute
recherche de vérité, ce feu qui réchauffe nos arthroses intérieures pour nous
déployer vers les autres, ce feu autour duquel on aime se rassembler dans la
fraternité pour nous retrouver devant l'essentiel, à ne pas brader. On est bien
dans le bon Livre. C'est bien la Parole de Jésus : "Je suis venu mettre le
feu", ce feu de Pentecôte qui a permis de se comprendre dans les divisions
et les diversités et de s'aimer. Accueillons ce feu que Jésus met dans nos
cœurs non pas les "feux de l'amour" mais le feu de la Passion
d'aimer.
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