P JM Bouhans
Dans l’évangile de Marc, Jésus passe la frontière au nord
de son pays pour aller dans la région de Tyr et de Sidon. Une première fois, il
était parti à l’est : c’était la rencontre avec le possédé de Gérasa et
l’épisode des cochons. Maintenant, Jésus veut rester discret. Et une syro
phénicienne va perturber ce projet. Comme Jésus cette femme semble en
déplacement. Elle se jette aux pieds de Jésus. Elle se trouve liée à deux
autres personnages : sa fille qui est possédée par un esprit impur.
Syro-phénicienne de naissance, elle est donc grecque et païenne totalement
étrangère et donc liée à l’impur.
Et tout à coup, on parle plus des personnages (Jésus, la
femme, sa fille et l’esprit impur) La conversation bifurque ; on quitte le
monde de l’exorcisme pour aller du côté de la vie domestique : Jésus répète un
phrase qui n’est pas de lui. « Ce n’est pas bon de prendre le pain des enfants
pour le jeter aux petits chiens ».La femme dit alors ce qui lui sort du cœur :
« les petits chiens sous la table, mangent bien les miettes des petits enfants
». Elle ne s’oppose pas à Jésus mais elle reformule à sa manière : il ne s’agit
pas de prendre le pain ou de le jeter mais de manger ; elle ne parle pas des
enfants mais des petits enfants. Elle parle comme Jésus de petits chiens. Elle
ne raisonne pas à partir des généralisations populaires ; elle parle de son
univers avec beaucoup de diminutifs : elle est venue pour sa fille et sait même
ce qui se passe en dessous de la table, du côté de la discrétion, et Jésus
justement voulait rester discret. Et Jésus prête attention à la parole de cette
femme – il ne parle même pas de sa foi – simplement de sa parole. D’ailleurs
cet épisode qui vient après un premier partage du pain en terre juive sera
bientôt suivi d’un autre partage - non pas de quelques miettes – mais un
partage du pain et, cette fois, en terre païenne. Tout change pour cette femme
et sa fille, et aussi pour Jésus. Quelque chose nait dans la rencontre de cette
femme avec Jésus
La première lecture nous présente aussi une rencontre
homme/femme, un texte bien connu et riche de sens. L’auteur biblique parle avec
finesse de la relation homme/femme mais peut aussi éclairer toutes nos
relations humaines. L’homme n’a pas assisté à sa propre création et ne sait
rien donc de son origine. Et l’auteur de la Bible nous dit qu’il n’assiste pas
davantage à la création de la femme : « Dieu en effet fit tomber sur lui un
sommeil mystérieux… ». Dans toute relation, nul ne sait rien de l’origine de
l’autre… : ils sont un « mystère » l’un pour l’autre. L’un est l’autre ne se
choisissent même pas : il leur suffit de se recevoir - l’un l’autre… - pour
faire route ensemble…
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