dimanche 8 février 2015

Homélie 5e dimanche TO B 2015 -

Homélie 5e dimanche TO B 2015 -
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Job 7,1-4.6-7 ; Psaume 146 ; 1 Corinthiens 9,16-19.22-23 ; Marc 1,29-39

« Pauvre comme Job » - son nom, et surtout son expérience, ont traversé les quelques 2500 ans qui nous séparent de lui, toujours actuel ; et ça risque de durer encore…

C’est l’expérience et le cœur de tout être humain, le nôtre devant la souffrance non méritée, à un moment ou à un autre de l’existence, où nous aurions pu écrire les quelques lignes de la première lecture, une dizaine de lignes sur une soixantaine de pages, qui relatent l’histoire de Job, dont on peut retracer très très brièvement quelques traits, utiles à notre réflexion.

Job est un homme heureux, avec femme et enfants ; il est riche, en bonne santé ; il est croyant et mène une vie droite, selon sa foi. Tout va bien pour lui.

Sans faute de sa part, la guigne lui tombe dessus. Il perd successivement ses biens, l’affection des siens, sa situation – et pour finir sa santé : une espèce de lèpre le rend affreux, l’isole et l’oblige à quitter sa belle maison pour trouver refuge dans la décharge publique. La totale.

Au début, Job, le croyant, continue de faire confiance à Dieu ; peu à peu, le moral et la foi en prennent un coup, Job descend au fond du trou ; sa femme et son entourage ne le comprennent pas.

Seul, avec son mal, le cœur brisé, dépouillé, lui Job, le croyant, faisant le bien, comment en est-il arrivé là ? Dieu se tait, comme il le fera le Samedi Saint.

« Je n’ai pas mérité ça. »

Il se laisse aller au découragement, à la révolte : « Maudit soit le jour qui m’a vu naître ! », s’écrie-t-il (Job 3,3). « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? » - C’est la première lecture.

Justement, voilà la visite de quelques amis… c’est pas pour lui remonter le moral ! Ils causent, font la morale, répètent ce que tout le monde pense, en ce temps-là (il en reste encore quelques traces…) : « Mon vieux Job, ce qui t’arrive, c’est que tu as péché. Tu sais, Dieu punit les méchants et récompense les bons ! Et puis la souffrance est une école de vertu ; qui aime bien châtie bien, etc. » (On s’y croirait.)

Job reste bien lucide, il ne lâche pas ce qu’il pense de Dieu, malgré ses révoltes.

« Non, dit Job, je n’ai pas fait de mal important ; je connais des bandits qui ont une vie heureuse, et des gens faisant le bien qui sont malheureux. »

« Vous feriez mieux de vous taire, dit Job, et de m’écouter, ça m’aiderait plus, je pense. »

Finalement, Job retrouve le contact avec Dieu, qui désavoue les paroles de vent des amis et félicite Job qui a osé crier sa souffrance et sa révolte tout en maintenant au fond de lui la confiance en la présence de Dieu à ses côtés. Job est rétabli dans sa situation première.

Dieu nous dit plein de choses à travers cette expérience de Job, pour la vie d’aujourd’hui, notre affrontement à la souffrance, aux morsures de la vie… « on n’a pas mérité ça », la rencontre de Dieu dans l’échec.

Dieu ne prend jamais personne comme cible, sinon pour l’aimer et vouloir son bonheur. Si Dieu le Père voulait la souffrance, pourquoi Jésus, lui-même Dieu, et Fils du Père, a passé le plus clair de son temps à soulager la souffrance, à la combattre, à guérir, à relever ?

C’est l’Evangile de ce dimanche, comme écho : au matin, Jésus guérit la belle-mère de Pierre. Il s’approche d’elle, lui prend la main, la fait se lever. Pas de baratin inutile, ni d’explications, comme les amis de Job : un geste de tendresse, une proximité, une écoute, une présence.

Jusqu’au grand soir, on lui amenait ceux qui étaient atteints de toutes sortes de maladies ; il les guérit.

En plus, Jésus n’a pas seulement combattu les souffrances, « il les a prises sur lui, il a porté nos maladies » - c’est l’acclamation de cet Evangile, dans la foulée du Psaume 146 (v.3) : « Le Seigneur guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures » - ce qu’exprime d’une autre manière une parole de la Bible : « Les larmes de la veuve coulent sur les joues de Dieu. » (Siracide 35,18)

Aujourd’hui, et la journée de la santé nous le rappelle : pour montrer à toute personne qui souffre sa tendresse, son soin, sa proximité, pour écouter et réconforter, relever et accompagner, Dieu, le Christ, n’a que nos mains, nos bras, nos yeux, nos oreilles, nos paroles, notre cœur, notre proximité, notre douceur. Il nous dit, comme à Moïse s’approchant du buisson qui brûlait : « Ote tes sandales, ce lieu que tu approches est saint » (Exode 3,5).

« Ote tes gros sabots, tes grandes idées savantes ; pour approcher de toute personne qui souffre - c’est un lieu saint - habille-toi d’humilité, d’écoute, de tendresse. Tu me trouveras, comme Job, au cœur même de toute souffrance. »

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