Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Deutéronome 18,15-20 ; Psaume 94 ; 1
Corinthiens 7,32-35 ; Marc 1,21-28
Quand
on ouvre les « infos » ou le journal, ce sont souvent les événements
négatifs qui sont présentés et qu’on retient. Ils ne manquent pas :
bagarres, vols, crimes, la guerre, violence en tout genre… Et on se dit que le
monde va mal, qu’il est pris par des forces mauvaises, contraires à ce qu’on
souhaite : paix, justice, bonté, etc.
Et
on se dit que nous aussi, à l’intérieur de nous-mêmes, nous sommes tiraillés
entre le bien et le mal, entre ce qui nous fait plus humains et ce qui nous
rabaisse.
Saint
Paul lui-même exprime très bien ce combat intérieur que nous ressentons : « Je ne fais pas le bien que je veux,
et je fais le mal que je ne veux pas » (Romains 7,9).
Diviser
et accuser, c’est l’action et le nom de l’esprit mauvais : diable – diabolos, ce qui divise, contrairement à
symbolos - ce qui unit ; comme
le Symbole des Apôtres. Celui qui divise – celui qui accuse (cf. Apocalypse
10,10). Il nous divise à l’intérieur de nous-mêmes, d’avec les autres, d’avec
Dieu, et aussi la création, la nature.
Le
combat intérieur entre l’esprit du mal et l’Esprit tout court est en nous-mêmes
et dans le monde : Jésus nous en libère. C’est l’Evangile que nous venons
d’entendre.
Dès
le début de sa mission au désert, Jésus lui-même est confronté au tentateur, à
qui il ne donne pas prise. Dans l’Evangile de ce matin, en pleine assemblée de
prière du Sabbat, alors que Jésus enseigne, un homme sous l’emprise de l’esprit
mauvais l’interrompt en criant : « Que
nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? » (Marc 1,24)
Cet
homme dit nous parce qu’il n’est pas
seul en lui-même ; il en héberge un autre : l’esprit mauvais.
Celui-ci s’est senti contrarié, dérangé par la Parole de Jésus et sa présence.
Ça l’a mis hors de lui, c’est le cas de le dire. Si le Bien arrange, souvent il
dérange parce qu’il révèle les zones du mauvais. Le diviseur-accusateur
voulait faire échouer Jésus, le discréditer, l’accuser, diviser sur son
identité à lui - Jésus.
Les
gens qui étaient là n’étaient pas prêts à reconnaître qui était vraiment Jésus.
Ils ne connaissaient que le charpentier de Nazareth, à quelques vingtaines de
kilomètre de Capharnaüm.
Jésus
répond avec fermeté à cet esprit diviseur et accusateur ; le texte
original dit : « Muselle-toi !
» - « Ferme-la ! »
et « Déguerpis de là ! »
(Marc 1,25)
Jésus
identifie cet esprit et le distingue de l’homme qui en est la victime.
Personne
ne peut être complètement identifié au mal, au mauvais. « Sors de cet homme ! »
Chaque
être humain est plus que le mal qu’il fait. Une partie de ce qu’il est est
peut-être prise en otage par le mal, prisonnière du mal, mais pas tout ce qu’il
est.
Jésus
libère cet homme de cette pression intérieure qui squattait une partie centrale
de lui-même et qu’il avait peut-être laissée entrer par faiblesse ou
connivence.
Qu’est-ce
que nous laissons entrer en nous ? « Ne laisse pas le Prince des
ténèbres me parler. »
A
quoi fermons-nous la porte ? Un jeune moine dit un jour à un moine âgé –
Abba Antoine : « Moi, je n’ai pas de combat. » Abba Antoine lui
explique : « Tu n’as pas de combat parce que tu n’as pas de
porte ; mets une porte à ton cœur : tu verras que tu as un
combat. »
L’esprit
du mal cherche à entrer dans le cœur humain.
« L’être
humain est beau parce qu’il vient du désir de Dieu » (Saint Catherine de
Sienne). Il est beau et il est désiré par l’esprit du mal, pour le détruire,
parce qu’il ne le supporte pas. Il le voudrait à son image – à lui – le
diviseur-accusateur.
Mais
la première image qui est en nous, c’est celle de Dieu, celle de l’Amour, celle
du bien, celle du bon. Ce qui est en premier en nous, c’est la grâce, à tous
les sens du mot : beauté, bonté, paix, vérité, et grâce : don de Dieu.
Avant
le mal, il y a la grâce. Le mal, si radical qu’il soit, ne sera jamais aussi
profond que l’Amour, et ne prendra jamais, au bout du compte, la place de
l’icône que nous sommes : l’icône de Dieu.
On
ne peut jamais vaincre le mal par le mal, on est victorieux du mal par le bien.
C’est
le combat pascal du Christ qu’il revit en nous.
Mais,
comme notre pauvre homme de cet Evangile, on résiste à cette libération. On y
tient encore bien à nos démons ! A nos vieux démons ! Qui nous font
agir contre notre bien en nous montrant que c’est pour notre bien !
« Veille, Seigneur, sur la porte de
mon cœur et de mes lèvres »
(Psaume 141,3).
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