Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Genèse 22,1-2.9-13.15-18 ; Psaume 115 ; Romains 8,31b-34 ; Marc 9,2-10
La Transfiguration ou :
les clins d’œil de Dieu.
Quand,
à la fin de l’hiver, les jours commencent à rallonger et les oiseaux à chanter,
c’est bon signe ! Un clin d’œil de la nature annonce les beaux
jours !
Quand,
dans le flot souvent marécageux des nouvelles du monde, émergent des gestes,
des actes, des témoignages positifs, un clin d’œil de la vie nous dit que tout
n’est pas aussi moche qu’on le dit.
Quand
Régis m’a dit qu’il était sur le point de sortir de ses situations difficiles,
j’ai vu sur son visage détendu un léger sourire - clin d’œil indiquant une
issue espérée.
En
route vers Jérusalem, Jésus vient d’annoncer clairement à ses amis qu’il allait
être rejeté, tué et qu’il allait se relever. Pierre n’accepte pas, ne comprend
pas. C’est l’occasion d’une forte dispute entre les deux. Dans cette ambiance
d’incompréhension et de peur, Jésus quitte la route, prend un sentier de
montagne et emmène avec lui : Pierre - justement, Jacques et Jean, à
l’écart.
Il
y a des moments où il faut prendre de la hauteur ! Ça permet de voir plus
loin, et d’être dans le calme ; ça apaise. Là-haut - le clin d’œil de
Dieu : « Jésus est transfiguré
devant eux. Il est plein de lumière, même ses habits » (Marc 9,2-3).
Quand
on vit quelque chose de fort à l’intérieur de soi, de bonheur ou de souffrance,
ça se voit, ça transparait, ça se voit sur sa figure : « C’est plus le,
la même. Pourtant c’est bien lui, elle. Il, elle est transfiguré(e) ! »
Ce
clin d’œil de Dieu va permettre à nos amis, à nous, d’affronter l’inacceptable,
l’inadmissible, la Passion.
« Celui-ci est mon Fils
bien-aimé : écoutez-le »
(Marc 9,7).
Une
nouvelle identité du charpentier de Nazareth est révélée officiellement par son
vrai Père - une reconnaissance de paternité : « Oui, c’est bien mon
Fils, je mets en lui tout mon amour. Alors, je ne le laisserai pas tomber.
Son amour pour ses frères va lui coûter la vie, mais je lui donnerai raison,
dit Dieu. Je le relèverai à la vie. Ce visage transfiguré de lumière sur cette
montagne sera bientôt visage défiguré sur une autre colline ; mais il
deviendra visage ressuscité. »
Ce
qui se passe en ce moment sera le moment du matin de Pâques, où la nuit cède la
place au jour, à la lumière, à la vie, où la peur et l’incompréhension. Même le
reniement et l’abandon cèderont la place à la paix intérieure, et à l’avenir.
Ce
clin d’œil du Père indique, non seulement aux trois amis, mais à nous, à
l’humanité, le terme, l’aboutissement, par-delà les passages par les croix de
toutes sortes. Quand on devine le bout du chemin, le trajet n’est plus le même.
Ce
passage par la montagne n’était pas, de la part de Jésus, un tour de
passe-passe pour leur faire avaler la pilule de ce qui allait arriver… Ils
devront faire confiance, croire, comme Abraham dans la première lecture ;
ce qui ne les empêchera pas de dormir sur l’autre colline, de renier, de se
sauver… jusqu’à un certain clin d’œil les appelant à un autre rendez-vous, à
une auberge, là où le visage défiguré du crucifié se fait reconnaître visage
ressuscité, annoncé par le visage transfiguré sur la montagne.
Quelle
profonde réalité de nos existences ! de l’itinéraire même de nos vies,
celui de l’humanité, passant par les transfigurations, les défigurations, mais
dont le terme est bien la Résurrection, la vie, la lumière.
Un
peu à l’image de ces petites lueurs du soleil, timides encore, faisant naître
l’arc-en-ciel, et qui peu à peu donneront vie et lumière, feuillage et fruit, à
l’arbre apparemment mort.
Ainsi
nos vies : comme Pierre et les autres on ne comprend pas tout sur nos
chemins et nos sentiers du quotidien, on peut avoir peur, et même nous
rebeller, et ne plus savoir ce qu’on dit, comme Pierre encore…
Fils
et filles bien-aimés du Père, que nous sommes, le Père ne nous laisse pas
tomber. Ne manquons pas ses clins d’œil. Ils sont discrets, ils nous donnent
rendez-vous vers la lumière et la paix intérieures. Ils demandent notre
connivence, notre réponse.
« Ils descendirent de la
montagne » (Marc 9,9) – vers les
réalités de la vie ; comme nous – avec un secret dans le cœur : celui
d’être bien-aimés de Dieu, à qui il a donné tout son amour. Alors nous pouvons
pressentir, deviner, ce clin d’œil qui nous indique la direction, et peut-être
le bout du chemin.
La
lumière…
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