Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Exode 20,1-17 ; Psaume 18 ; 1 Corinthiens
1,22-25 ; Jean 2,13-25
Récemment,
dans notre région, dans le département voisin, des églises ont subi des vols
d’objets sacrés, des tabernacles ont été fracturés, des hosties répandues. Plus
loin de nous, des églises, comme celle que le Père Nachon a construite (au
Niger) ont été brûlées ou détruites. Il arrive aussi que des symboles forts,
comme ceux touchant au culte des morts ou à l’identité de la nation, soient
profanés.
Ces
actes, qui peuvent traduire un refus, une méconnaissance, une volonté de
détruire ce qui est sacré, sont un signe de déshumanisation. Tout être humain,
quelles que soient ses convictions, sa religion, son athéisme, ressent qu’il y
a en lui plus que lui-même, quel que soit le nom qu’on donne à ce
« plus » ou à cet « autre ».
Entrant
dans le Temple, Jésus fait un fouet avec des cordes, il en chasse tout le
monde, il renverse les comptoirs des changeurs d’argent. Le pays était encore
sous l’occupation romaine et on n’acceptait pas dans le temple la monnaie de l’occupant
pour payer les offrandes ; il fallait faire du change pour avoir la
monnaie du pays.
« Dégagez-moi
tout ça, dit Jésus, ne faites pas de la
maison de mon Père une maison de commerce ! (Jean 2,16) Ce lieu est un
lieu sacré, un sanctuaire. »
Saint, sanctuaire : ces mots
viennent de « couper » - ce
qui est séparé du profane, réservé (dans ce cas) au service de Dieu, et plus
largement à ce qui dépasse l’humain ou aux symboles des valeurs fortes,
collectives ou personnelles.
Le
sacré suppose respect, parce que c’est sacré ; on n’en fait pas n’importe
quoi.
Ce
geste de Jésus, avec son fouet et sa voix forte, a dû marquer les
esprits ; il nous rappelle deux balises essentielles, tout à fait
d’actualité :
Première
balise : il y a des lieux, des
objets, des choses, des symboles, sacrés - exprimant ce qui nous dépasse, nos
convictions, comme le service de Dieu, les symboles d’une nation, d’une
civilisation, ou de religion. On les respecte sans en faire des idoles, comme
la première lecture nous met en garde. Ce lieu est saint, cet objet, ce symbole,
est sacré, on le traite comme tel, et pas comme dans un vide-grenier ou comme
un hall de gare.
Le
problème d’aujourd’hui, déjà au temps de Jésus, c’est qu’on ne sait plus
distinguer ce qui est sacré de ce qui ne l’est pas. Je lisais dans le journal
cette semaine : « Il faut sanctuariser le mois d’août »
(préserver les vacances) ! Comme on veut sanctuariser l’école ou un terrain
de foot. Comme le feuilleton à la télé : « c’est sacré ». Comme
« j’adore » ce tableau, ou un gâteau aux fraises. Quand tout est
sacré, quand tout se vaut, rien ne vaut, rien n’est sacré ; il n’y a plus
de valeurs. Comme l’écrit un observateur de la société : « Si tout se
vaut, alors le cannibalisme est une affaire de goût » - la vie n’est rien.
L’Evangile
nous ramène toujours aux valeurs essentielles, à ce qui est sacré, vraiment.
C’est quoi pour nous ? Ce qui se respecte, non pas à cause d’une loi, mais
à cause de ce qui fait de nous des humains, et des êtres religieux en qui est
marquée l’empreinte ou l’ADN du créateur. C’est encore la première lecture.
Deuxième
balise : plus encore que les
choses, les lieux, les symboles sacrés, c’est l’être humain qui est sacré, la personne
humaine. C’est encore l’Evangile : « Détruisez
ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jean 2,19). « Il parlait du sanctuaire de son corps »
(Jean 2,21).
« Vous êtes le Corps du Christ » (1 Corinthiens 12,27). « Le sanctuaire de Dieu, qui est sacré, c’est vous » -
dit encore Paul (1 Corinthiens 3,17).
Toute
personne humaine est sacrée, image de Dieu - même si parfois l’image est loin
du modèle -, résidence de Dieu. « Dieu demeure en nous », nous répète
Saint Jean. « Vous êtes le temple de l’Esprit », dit encore Paul (cf.
1 Corinthiens 6,19).
« La
conscience de chacun, dit le Concile Vatican II, est un sanctuaire » - un
lieu sacré, inviolable, où on ne peut s’approcher qu’en ôtant ses sandales,
comme auprès du buisson ardent.
On
ne peut pas faire n’importe quoi de la personne humaine, de sa vie, au début,
au milieu, à la fin ; on ne peut pas traiter n’importe comment sa
situation, ses convictions, sa dignité.
« Vous
êtes les pierres vivantes de la construction du Corps du Christ », dit
Paul (cf. Ephésiens 2,22). Les êtres humains sont la maison de Dieu. « Arrêtez de faire de la maison de mon
Père une maison de commerce » (Jean 2,16).
« Vous savez que le temple de Dieu,
c’est vous » (1 Corinthiens
3,17).
C’est
nous, c’est l’humanité.
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