Homélie 4e
dimanche Carême B 2015 -
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Chroniques 36,14-16.19-23 ; Psaume 136 ;
Ephésiens 2,4-10 ; Jean 3,14-21
J’étais
récemment chez un couple ami. Ils ont deux grands de douze et quinze ans. Ils
me parlaient des difficultés rencontrées avec eux : « C’est un
passage pas facile ! On ne sait pas bien comment s’y prendre ;
pourtant on les aime, …encore plus que quand ils étaient petits, et
sages ! »
J’ai
risqué cette parole : « Ce grand amour dont vous les aimez va vous
aider à passer le cap, à eux et à vous ! »
Ce
grand amour dont Dieu nous aime (cf. deuxième lecture).
Une
fin de journée, coup de sonnette : deux amis, Bernard et Sandrine ; j’avais
célébré leur mariage il y a deux ans. De passage à Lons, ils venaient me dire
bonjour. Contents de se voir : « Comment ça va ? Vous en êtes
où ? » etc.
Au
bout d’un moment, ils me disent, un peu gênés : « On ne sait pas si
on va rester ensemble. On se découvre autrement qu’on s’est connus… La vie
ensemble n’est pas tout à fait comme on l’imaginait. On a l’impression qu’on ne
s’aime plus. A quoi bon continuer ? »
On
a parlé longuement.
Un
bon copain célibataire, un prêtre, me disait aussi ces jours : « Si
on ne fait pas gaffe, on a vite fait de se replier sur soi, de s’enfermer sur
nos petits riens. Ca dessèche ! »
Dans
ces conversations, on n’était pas dans les sentiments faciles des chansons
d’amour, où amour rime avec toujours. Je pensais plutôt à une autre
chanson, de Raymond Fau : « Qu’il est difficile d’aimer. » - et surtout - inspiré par le Carmel - aux paroles de
la petite Thérèse : « Aimer c’est tout donner et se donner
soi-même. » - peut-être le secret…
On
est au cœur non seulement de la Parole de Dieu pour ce dimanche, mais à la
source de ce qu’il y a de plus profond, de plus beau et aussi de plus fragile
et vulnérable du cœur humain : aimer – cette source est le don que Dieu
nous fait de son être même, qui n’est qu’Amour. En accueillant ce don, nous
sommes, à notre tour, donnant de cet Amour.
Nicodème
est un notable Juif, ami de Jésus - mais en secret - qui venait parler avec lui
le soir, pour ne pas montrer qu’il était son disciple. A ce Nicodème, Jésus
révèle le plus beau secret : « Dieu
a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (…) non pas pour juger
le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jean 3,16-17)
– non pas par le jugement, la condamnation, ou la Loi, mais par l’Amour, le don
de lui-même, librement offert.
C’est
ce que nous fait partager Paul dans la deuxième lecture : « Dieu est riche en miséricorde ;
à cause du grand amour dont il nous a aimés » (Ephésiens 2,4) …dont il
nous a aimés dans le Christ : il nous donne de vivre, d’aimer, à nous qui
souvent habitons les tombeaux de nos égoïsmes, de nos méchancetés, de nos refus
de donner ce qu’il y a de meilleur en nous - cette part de la tendresse, de la
miséricorde de Dieu.
Miséricorde, ça veut dire : les entrailles de Dieu qui
bougent - se nouent - en nous voyant, en voyant l’humanité.
Dieu
n’est pas insensible à nos misères, à nos épreuves, à nos fragilités et à nos
générosités.
L’Evangile
nous presse d’aimer à la manière de Dieu : par le don, gratuit, de soi.
Comme
les amis parents avec leurs grands ados dans les moments difficiles, ne pas
cesser de donner le meilleur de soi-même, gratuitement, même si ça prend du
temps ; la semence germera.
Comme
les amis quittant leurs illusions d’amour pour la vérité d’un amour plus fort
dans leur diversité et leur avenir commun.
Comme
pour nos célibataires, consacrés ou non, qui peuvent connaître l’érosion du
dynamisme du don de soi.
Quelles
que soient nos situations, nous avons tous en nous quelques reflets, quelques
lumières plus ou moins fortes, de la miséricorde et de l’Amour de dieu.
« Dieu est riche en
miséricorde » - tellement riche,
qu’il nous en donne tout plein pour que nous nous enrichissions mutuellement de
ce don. C’est la richesse du cœur. La vie est un peu meilleure, peut-être pas
plus facile, mais elle a meilleur goût, meilleur bouquet, un parfum de vie, de
fraternité, de paix et de joie – le goût de Dieu, d’infini.
Merci,
Nicodème, qui, dans ta discrétion, a permis que nous parvienne le mode d’emploi
de l’Amour selon Dieu : aimer, c’est tout donner, c’est se donner
soi-même.
Dieu,
riche en miséricorde, a tellement aimé le monde qu’il nous a donné son Fils,
pour nous apprendre à vivre et à aimer.
On
demandait à l’Abbé Pierre : « C’est quoi la vie ? » -
« C’est le temps que Dieu nous donne pour apprendre à aimer. »
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