jeudi 19 mars 2015

Homélie Saint Joseph 2015 -

Homélie Saint Joseph 2015 -
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

2 Samuel 7,5a.12-14a.16 ; Psaume 88 ; Romains 4,13.16-18.22 ; Matthieu 1,16-18-21.24a

Vous imaginez la tête de Saint Joseph : on parle de lui, on s’efforce de trouver des choses à dire sur lui, alors que les Evangiles ne rapportent aucune parole de lui - seulement deux ou trois événements où il est concerné ; et on en parle comme époux de Marie, même dans la prière eucharistique : « avec la Vierge Marie, avec Saint Joseph son époux,… » - comme s’il n’existait que par rapport à d’autres : Marie, Jésus (fils du charpentier).

Pourtant, la place de Joseph dans l’événement de la venue de Dieu dans notre humanité est capitale ; il a permis que les choses se fassent ; les choses de Dieu, les désirs de Dieu sur l’humanité.

Il a donné à l’enfant et au jeune un nom, une famille avec une maman – il n’a pas renvoyé Marie ; il lui a donné et appris un métier ; avec sa mère : une éducation, la religion ; ils lui ont appris ce qu’est la tendresse d’un père, d’une mère, l’attention aux autres ; et, bien sûr, il l’a inséré dans une famille, une histoire humaine.

C’est une grande qualité que nous pouvons apprendre de Joseph : là où on est, dans un atelier, la maison - comme on est, tout simple - aider à ce que se réalisent les désirs de Dieu.

La première attitude est l’écoute de ces désirs - ce que Dieu dit dans la conscience, le discernement, les choix.

« Joseph, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ton épouse » (Matthieu 1,20).

Ce que Dieu dit peut être en contradiction avec la rumeur publique, avec la pratique de la Loi.

C’était le cas. Si Joseph avait écouté les cancans et s’il avait obéi à la Loi, il aurait renvoyé Marie, qui aurait été répudiée, et le bébé aussi – elle était enceinte.

Joseph écoute d’abord ce que lui souffle Dieu au plus intime de lui-même, comme l’a fait Marie – écouter au sens d’obéir.

Ce qui se passe dépasse Marie et Joseph ; leur amour et leur projet de vivre ensemble sont plus forts, ils font confiance pour assumer cette aventure – confiance non pas qu’à eux, mais à ce que leur dit l’Esprit, le souffleur, le souffle de Dieu.

Une deuxième attitude que nous pouvons apprendre de Joseph et de Marie – il ne faut pas trop les séparer, on le fait peut-être trop en braquant les projecteurs sur Marie ; en fait, c’est une réalisation qu’ils ont menée à deux - la deuxième attitude, c’est la valeur de l’intériorité, pour percevoir ce que Dieu nous souffle – pas « nous crie » – dans la complexité, les choix ; la nécessité de l’intériorité.

Sainte Thérèse d’Avila recommandait à ceux qui voulaient mener une vie d’oraison de prendre Saint Joseph pour modèle : « Que celui qui n’a pas de maître pour lui enseigner l’oraison prenne Saint Joseph pour guide, il ne risquera point de s’égarer. »

N’oublions pas que cet immense événement de la venue de Dieu dans notre humanité a commencé par une crise dans un couple tout simple et ordinaire, une dure épreuve - en Joseph et en Marie. On va trop vite à plaquer ce qu’on appelle du « spirituel », en faisant l’impasse sur l’humain, sur l’expérience humaine. Dieu ne fait pas l’impasse, lui.

C’est au cœur même de cette expérience, des choix, des sentiments, de la vie, qu’il souffle une parole ; là, l’humain, le charnel, devient spirituel, c’est-à-dire habité et mû par l’Esprit, le souffle de Dieu.

C’est le fond de l’Evangile de cette fête : l’annonce à Joseph et Marie, aux deux – « Joseph le silencieux comme la terre à l’heure de la rosée », écrit Claudel – l’homme de la fécondation intérieure dans le silence. Joseph est un artisan sur bois, mais un maître de vie intérieure, préférant aux bruits des mots la réalité des gestes.

« Il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » (Matthieu 1,24) – comme il prendra aussi l’enfant et sa mère pour se sauver en Egypte.

Au fond, ce ne serait pas ça l’Incarnation : le Verbe, la Parole qui se fait chair, réalité, acte ?

Joseph et Marie ont prêté l’oreille de leur conscience, de leur foi, de leur confiance - dans l’humilité - à ce que Dieu leur soufflait. Ils ne savaient pas tout - c’est ça l’humilité. Ils ont permis que se réalise le rêve de Dieu sur nous.

Nous aussi, à notre manière, nous pouvons favoriser, aider, la naissance de Dieu aujourd’hui, faire grandir le Christ, avec Joseph et Marie, dans nos ateliers, nos maisons, notre humanité, si nous prêtons l’oreille au « souffleur ».

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