Homélie de la Toussaint
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Dans
le cimetière d’un village, au Nord du Jura, j’ai trouvé sur une tombe, au pied
d’une croix en bois, une plaque avec une inscription, que j’ai recopiée
: « À toi, notre oncle, pauvre type mais riche gars ! »
Il
vivait seul, l’oncle Bernard, chahuté et moqué gentiment par les gens du
village, comme « pas bien malin ». Mais, il avait un coeur
« gros comme ça », toujours prêt à donner le coup de main, sans
histoire avec les autres… Quelques personnes l’avaient accompagné à son enterrement,
avec ses deux neveux, la seule famille qui lui restait, qui avaient posé cette
plaque : « Pauvre type mais riche gars ».
On
est au coeur de cette fête de la Toussaint, fête de celles et ceux qui sont
heureux, dit Jésus, parce qu’ils étaient de riches gars, de riches femmes dans
leur coeur. Le même regard aimant de Jésus, regard de Dieu, - qui a croisé
celui de Zachée, dimanche dernier -, croise le regard de ces gens, sur la pente
du mont, en attente d’une parole d’espérance.
« Voyant
les foules », nous voyant, Jésus rejoint nos coeurs, nos vies, nos
aspirations, notre désir profond d’être heureux. Non pas d’un bonheur de quatre
sous ou à des fortunes, mais de ce qui peut simplement remplir le coeur de ce
pour qui et pour quoi nous sommes fait : pour Aimer. De ce regard de Jésus
jaillissent les plus beaux secrets du désir de bonheur que chaque être humain
porte en lui.
Heureux
êtes-vous les pauvres de coeur, assez désencombrés de vous-mêmes pour faire
place à l’essentiel, aux autres, à Dieu.
Heureux
vous qui pleurez, non pas qui pleurnichez pour rien, mais à qui les morsures de
la vie, des autres, de vous-mêmes donnent des raisons de pleurer, souvent en
secret. Dieu essuiera toutes larmes de vos yeux !
Heureux
les doux, c’est-à-dire les forts à l’intérieur d’eux-mêmes pour refuser la
violence. Heureux si tu peux rester droit dans les détours des injustices, des
mensonges ou des magouilles… les coeurs droits.
Heureux
si vous avez le coeur gros de la peine des autres… les miséricordieux. Vous
ressemblez à Dieu ! Heureux les raccommodeurs et les dépanneurs d’existences
déchirées par la méchanceté ou la bêtise… Ceux qui font la paix, pas seulement
qui la chantent…
Vous
êtes sur un chemin de bonheur, dès maintenant, dit Jésus, parce qu’en agissant
ainsi, vous ressemblez à Dieu, à votre Père. Dieu est comme ça, c’est le
portrait des Béatitudes.
Devenir
le portrait de notre Père, c’est ce que nous dit Saint Jean dans la 2ème
lecture : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu… et
nous lui serons semblables… quand nous le verrons tel qu’Il est. » Ces
traits du visage et du coeur du Dieu Amour, que peu à peu nous laissons marquer
sur nos propres visages et dans nos propres coeurs. Ils nous feront reconnaître
de Lui, comme étant de sa famille, ses enfants bien-aimés, c’est notre ticket
d’entrée.
Le
brave oncle ne figure pas sur la liste des Saints du calendrier, comme
beaucoup. Il est sur la liste de celles et de ceux que nous fêtons aujourd’hui,
celles et ceux à qui nous pensons, que nous avons connus, aimés, parfois pas
assez, avec qui nous avons fait un bout de route, d’une route qui continue
au-delà du visible, par des liens impérissables, parce que l’Amour, la bonté,
la paix, ça ne meurt pas. C’est la communion des Saints, ces liens invisibles
mais réels, qui nous relient dans l’Amour du Père. Ils font partie de cette
foule immense, décrite par Saint Jean dans la première lecture. « Qui
sont-ils ? D’où viennent-ils ? » demande l’Ancien. Ils viennent de la
traversée de la vie, par tempêtes et brises légères. Ils ont accosté dans le
pays du coeur de Dieu, au rivage de Dieu, ce bonheur auquel ils ont essayé,
tout simplement, de mettre quelques touches, souvent sans le savoir. Ils
n’étaient certes pas parfaits, d’ailleurs être saint et être parfait, ce n’est
pas pareil, ça ne va même pas toujours ensemble.
« Pauvre
type, mais riche gars ! » Laissons-nous enrichir de la richesse de Dieu.
C’est le chemin du bonheur, il passe par les Béatitudes. Avec Saint Augustin,
nous pouvons dire : « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre coeur
est sans repos, tant qu’il ne demeure en Toi. »
Saints
et Saintes de Dieu, riches gars, riches femmes par votre coeur, priez pour nous
!
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