La « cardio-sclérose » ,
« l’incapacité à éprouver de la tendresse », est « la pire des
maladies de notre époque » et la miséricorde est le remède contre cette
maladie. C’est ce qu’assure le pape François dans une interview
de 40 minutes à la chaîne de télévision catholique italienne TV2000, diffusée
le 20 novembre 2016.
Extraits de
l’interview du pape François (4/4)
(Que répondez-vous à celui qui construit des murs pour se
défendre et non des ponts ?)
Oui … à la fin il y a un problème de rigidité morale derrière
cela, n’est-ce pas ? Le fils aîné (de la parabole, ndlr) était
psychorigide: « Il a dépensé son argent dans une vie de péché, il ne mérite pas
tel accueil ». La rigidité: toujours à la place de la justice. Cette
rigidité n’est pas celle de Jésus. Jésus désapprouve les docteurs de l’Eglise:
beaucoup, beaucoup, la rigidité. Il utilise un adjectif pour les qualifier que
je n’aimerais pas qu’il utilise à mon égard : hypocrite. Que de fois Jésus
prononce cet adjectif pour qualifier les docteurs de la loi : hypocrites.
Il suffit de lire le chapitre 23 de Matthieu: « Hypocrite ». Leur
théorie est « de la miséricorde oui… mais la justice est
importante ! », Or chez Dieu – et les chrétiens aussi, parce que
c’est en Dieu – la justice est miséricordieuse et la miséricorde est juste.
Elles sont inséparables, forment une seule chose. Et pourquoi? Ah … allez chez
un professeur de théologie pour qu’il vous explique … [il rit] Et après le
sermon de la montagne, dans la version de Luc, vient toujours le sermon de la
plaine. Et comment ça finit ? « Soyez miséricordieux comme le Père ».
Il ne dit pas « soyez justes comme le Père ». Mais c’est pareil! La
justice et la miséricorde en Dieu forment une seule chose. La miséricorde est
juste et la justice est miséricordieuse. C’est inséparable. Et quand Jésus
pardonne à Zachée et va déjeuner avec les pécheurs, pardonne à Marie Madeleine,
pardonne à l’adultère, pardonne à la samaritaine, qu’est-ce que c’est, il a la
main large ? Non. Il applique la justice de Dieu, qui est miséricordieuse.
(L’expérience de la miséricorde nous oblige à dire quelque chose
au monde des institutions, de la politique, des Etats ?)
Je dirais un seul mot que j’ai appris d’un vieux prêtre. (…) il
m’a appris un mot sur la maladie de ce monde, de cette époque : la
cardio-sclérose.
Je crois que la miséricorde est le remède contre cette
maladie, la cardio-sclérose, qui est à l’origine de cette culture du rejet : «
Mais, ceci ne sert plus ; cette personne âgée, allez, en maison de
retraite ; cet enfant qui vient … non, non, allez, renvoyons-le à
l’expéditeur …”, et on jette ! Allons-y, faisons la guerre … prenons cette
ville… Et cette autre ville ? Larguons les bombes, qu’elles tombent
partout, sur les hôpitaux, sur les écoles … tous ces gens sont à jeter
n’est-ce pas? Et à l’origine de cette culture du rejet il y a la
cardio-sclérose qui, je crois, est la pire des maladies de notre époque. Cette
incapacité à éprouver de la tendresse, d’être proches …avoir le cœur dur
… « je dois aller dans cette direction et le reste ne m’intéresse
pas : j’y vais ». Et je ne dis pas toutes les mauvais choses que l’on
fait sur le chemin pour y arriver. (…)
(Comment peut-on construire un monde plus miséricordieux ?)
Pensons à cette troisième guerre mondiale que nous vivons, car
c’est une troisième guerre mondiale fragmentée, non ? : ici, ici, ici … mais
nous sommes en guerre; les armes se vendent et elles sont vendues par les
fabricants et les trafiquants d’armes. Et vendues aux deux parties en guerre,
parce ça rapporte, n’est-ce pas, le trafic des armes ? … Et là il y a une
dureté de cœur vraiment très grande: un manque de tendresse. Le monde a besoin
d’une révolution de la tendresse. « Mais, Dieu … »: arrêtons-nous ici.
Dieu s’est fait « tendre », Dieu s’est fait « proche ».
Paul dit aux Philippiens : « Il s’est vidé de lui-même pour se faire
plus proche, il s’est fait chair comme nous ». Quand nous parlons du
Christ, n’oublions pas sa chair. Notre monde a besoin de cette tendresse qui
dit à la chair de caresser la chair souffrante du Christ, non de commettre plus
de souffrances ! Je crois que les Etats qui sont en guerre doivent penser à la
grande valeur de la vie, et non se dire : « Mais peu importe la vie,
c’est le territoire qui m’intéresse… ». Une vie vaut plus qu’un
territoire ! Et pour les fabricants d’armes, pour les trafiquants
d’armes, la vie est ce qui compte le moins. Comme me disait un ami allemand :
« Heute, das Billigste ist das Leben (Das Billigste, heute, ist das
Leben) ». [Aujourd’hui, la vie est ce qui coûte le moins]
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