Homélie
du 23ème dimanche A
Carmel
de Saint-Maur – Père Maurice Boisson
Le
vivre ensemble n’est pas toujours facile, que ce soit en famille, dans une
communauté
religieuse, dans un village, dans la société… Vivre seul n’est pas
non plus toujours aisé, quand le voisin de plus proche est soi-même. « Nul
n’est une île » (titre d’un livre du moine trappiste Thomas Merton), nul
n’existe seul. Nous sommes faits pour être en relation avec les autres, créés à
la ressemblance de Dieu, qui est relation dans son être même. Ces relations qui
nous lient traversent, d’ailleurs, la mort. C’est ce que l’on appelle la
« communion des saints », relations réelles bien que dans
l’invisible. « Voilà un bel idéal », pensons-nous, mais qui n’est pas
évident ! Des riens, comme des choses importantes, peuvent abîmer ou
détruire les relations. Même si les liens sont très forts, ils peuvent rester
fragiles car cela touche le plus profond de nous-mêmes, fragile lui aussi.
L’Evangile de ce jour nous
invite à chercher à réparer les cassures, les blessures dans les relations qui
nous concernent, avec patience et sans être assurés d’y arriver.
Jésus lui-même n’a pas réussi à
combler le fossé d’incompréhension entre lui et les chefs religieux de son
temps. Il a perdu la partie, provisoirement. En revanche, il a réussi à
rétablir les liens avec celles et ceux que l’on disait éloignés de Dieu :
Zachée, Marie-Madeleine, Pierre (qui a renié), et les autres… et nous. La
démarche auprès du publicain Matthieu, à son bureau des douanes et le repas
pris avec lui et ses collègues, ont montré qu’un chemin est possible. Pas
forcément un chemin vers un grand amour, mais vers un respect mutuel et un
dialogue possible. Les êtres humains et leurs ressorts intérieurs sont
complexes. On ne les assemble pas comme des dominos.
Saint Matthieu rapporte ces
paroles de Jésus à des communautés naissantes divisées, tiraillées, mettant à
mal l’unité dont elles devaient être les témoins. Jésus invite ses disciples à
prendre les moyens de rétablir les relations cassées par une démarche
progressive, patiente, respectueuse et vraie. Il s’agit de ne pas fermer les
yeux sur ce qui casse, détruit, abîme les liens et de chercher les moyens de
les rétablir avec le souci de la vérité. Ces paroles ne peuvent pas servir d’argument
pour les redresseurs de tort, toujours aux aguets de la moindre petite erreur,
ni pour ceux qui s’offusquent sans cesse de la moindre remontrance. Nous sommes
tous atteints de germes malins, mis en nous par celui qui est appelé le diviseur (diabolos en
grec), le diable, celui qui divise, celui qui accuse,
« l’accusateur » (Ap12,10), le semeur de division. A l’origine, il
inspire Adam et Eve à se rejeter la faute l’un sur l’autre. Il inspire à Caïn
de tuer son frère Abel, par jalousie. Nous sommes bien souvent démunis, parfois
sans courage, pour réparer les cassures, panser les blessures, raccommoder les
ruptures, recoudre les déchirures, lorsque nous avons essayé et rencontré
l’échec et le refus. Nous pouvons confier ces situations à la grâce de Dieu.
Elle peut rouvrir dans le cœur de chacun, des chemins d’apaisement et pour le
moins de respect et de dialogue. C’est une œuvre de patience, comme la patience
de Dieu envers nous. C’est l’appel de la 2ème lecture : ne nous
laissons pas ronger, ni prendre par la haine ou la vengeance qui détruisent
chacun.
Le geste de la Paix, à la messe,
nous fait, d’abord et avant tout, accueillir en nous le don du Christ qu’est la
paix. Si notre cœur est paisible de cette paix, alors pourront s’ouvrir des
chemins de paix dont nous ne connaissons ni le parcours, ni l’arrivée.
Laissons-nous
habiter par le message de Saint Paul dans la 2ème lecture :
« L’amour
ne fait rien de mal au prochain »
« N’ayez
de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel ».
« Celui
qui aime les autres a pleinement accompli » tout le désir de Dieu.
« Le
plein accomplissement du désir de Dieu, c’est d’aimer »
C’est
là un chemin difficile mais ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le
difficile qui est le chemin !
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