Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Ezékiel 2,2-5 ; Psaume 122 ; 2 Corinthiens
12,7-10 ; Marc 6,1-6
Jésus
part en vacances ! lui aussi ! Quelques jours au pays ! Là où il
a passé son enfance, sa jeunesse, là où il a travaillé avec Joseph, là où il a
encore de la famille, des amis, des clients.
C’est
un événement à Nazareth ! Le retour de l’enfant du pays dont on entend
parler jusque dans la capitale, à Jérusalem !
Et
le voilà qui prend la parole à la synagogue !
Mais
l’accueil n’est pas ce qu’on aurait cru ! On aurait pu s’attendre à une
réception à la salle des fêtes de Nazareth, avec discours et pot d’amitié. Au
lieu de tout ça : étonnement et méfiance.
Etonnement :
« Où a-t-il appris tout ça ? »
Méfiance :
« Pour qui se prend-il ? On le connaît, c’est le fils de Myriam, ses
frères et sœurs – c’est-à-dire cousins, cousines – sont là avec nous. On était
clients chez eux ! Il est venu réparer notre toit. On a joué ensemble. On
sait d’où il sort ! » … Pas si sûr !
Tous
ces gens de Nazareth, les « siens » - dira Saint Jean - sont bloqués
par ce qu’ils savent déjà de lui, Jésus. « Passons ! On
connaît ! »
Nous
aussi, on a l’impression de connaître.
Leur
soi-disant connaissance ne laisse pas de place à l’inconnu, à la nouveauté, à
la révélation, au mystère de la personne.
On
est souvent aussi connu comme ça.
On
croit connaître, en se basant sur les apparences, sur ce qu’on voit, sur le
signalement extérieur comme celui d’une carte d’identité. Ça fait souvent
écran, comme une belle toile cirée qui isole le dessous et l’extérieur.
Ce
qui s’est passé ici pour Jésus peut se passer dans notre manière de voir, de
connaître Dieu lui-même et les autres. Les idées toute faites, les préjugés,
les certitudes, les « on sait », « on connaît » - sans
parler bien sûr des poisons que sont les calomnies, les ragots - tout cela
bloque la révélation de l’autre et l’accès à la vérité de qui il est.
On
congèle, avec une étiquette, pour longtemps parfois, au-delà des dates de
péremption, ce qui apparaît de l’autre.
C’est
ce qui s’est passé pour Jésus, jusqu’à sa mort. « Qui donc
est-il ? » Ce qui se passe pour Dieu lui-même et pour les autres.
« Il est venu chez les siens et les
siens ne l’ont pas reçu »,
écrira plus tard Saint Jean (Jean 1,11). Les Evangiles sont remplis de
l’étonnement, de l’admiration, de certains - surtout des gens simples ;
pleins aussi de méchanceté, de critiques, d’erreurs sur la personne - surtout
de la part des autorités ; pleins aussi de questions de gens qui cherchent
à savoir, à connaître, à comprendre.
Ce
qui poussera Jésus à poser la question : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Marc
8,29)
A
Nazareth, Jésus s’étonne de ce non-accueil, et de ce manque de confiance. C’est
vrai aussi que pendant ces trente années vécues au milieu d’eux, il a été
pleinement l’un d’entre eux, discret, tout simple, sans signes distinctifs. « Il a pris notre condition d’hommes »
(Philippiens 2,7) en tout, excepté le péché.
Aussi
il faut la foi, la confiance, pour voir en lui – Jésus - plus que ce que l’on
voyait jusque-là. L’autre est toujours plus, au-delà de ce qu’il peut paraître.
C’est
de ce manque de foi que Jésus s’étonne, qui l’empêche de donner des signes de
qui il est réellement.
On
le sait bien aussi : on ne peut pas faire grand-chose quand la confiance
n’y est plus, quand on vit dans la méfiance et sans la confiance.
Il
a fallu beaucoup de temps à Pierre et à ses amis pour pouvoir dire : « Oui, tu es le Christ, le Fils du Dieu
vivant » (Marc 16,16). Il a fallu attendre que Jésus meure sur la
croix pour entendre un païen dire : « Vraiment
cet homme était le Fils de Dieu » (Marc 15,39).
Etre
croyant, c’est comme vivre : c’est un itinéraire… On va de campement en
campement. Ne nous laissons pas stopper dans notre marche par les « on
sait, on connaît », qui congèlent.
« Tout
regard est un itinéraire vers la profondeur cachée… une recherche de l’au-delà
du visible. » (Bruno Chenu)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire