- Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
2 Rois 4,42-44 ; Psaume 144 ; Ephésiens
4,1-6 ; Jean 6,1-15
On
n’a que ça ! Qu’est-ce que c’est pour nourrir tout le monde ? C’est
rien ! Trois fois rien !
« Il
nous faudrait l’équivalent d’au moins dix mille euros », dit Philippe.
Il
nous faudrait beaucoup pour subvenir aux gens qui sont dans le besoin, pour
vous aussi, amis du Togo, pour accueillir ces jeunes orphelins, les enseigner,
leur donner un métier ; pour nous aussi, dans nos pays divers.
Cinq
petites galettes, deux poissons : qu’est-ce que c’est ? C’est rien,
rien !
« Rien,
c’est rien ! Mais trois fois rien,
c’est quelque chose ! », disait Raymond Devos.
« Et
en plus, il y a du rab », dit Jean.
Jésus
a les pieds sur terre. Il n’est pas venu habiter parmi nous pour faire
semblant. Il voit tous ces gens à qui il
faut donner à manger. Il met Philippe et les autres dans le coup : « Où peut-on trouver du pain pour
qu’ils aient à manger ? » (Jean 6,5)
Philippe
a vite fait de calculer : plus de dix mille euros ne suffiraient pas. Pas
question.
André
a repéré un jeune garçon avec son sac à dos ; il avait emmené son
pique-nique : cinq petites galettes et deux poissons grillés. Il est prêt
à les donner. Mais qu’est-ce que c’est, pour tout ce monde ? Trois fois rien ; ça va être
quelque chose !
Jésus
souffle à l’oreille d’André de demander à ce jeune de lui apporter son
casse-croûte.
Jésus
reçoit le pas grand-chose de ce garçon, mais il en remercie Dieu, de ce
peu ; sinon, il n’aurait rien pu faire !
Ce
peu va permettre de nourrir tous ces gens. Le peu que nous avons, le peu que
nous sommes, peut devenir beaucoup.
Jésus
distribue ces pains et ces poissons. Saint Jean ne parle pas de multiplication
des pains ! Jésus donne, distribue, ce que lui a donné ce garçon. Il y en
a pour tout le monde ; ils mangèrent à leur faim ; et il y a du
rab !
Jésus
donne le peu qu’il a reçu. C’est le don
qui multiplie. Quand on donne, quand on partage, la générosité multiplie ;
il y en a pour tous, et même il en reste pour ceux qui ne sont pas là !
Bien
sûr qu’il ne s’agit pas seulement du pain du boulanger et des poissons du
lac : le pain de la bonté, de la justice, de la paix, de la dignité de
l’accueil.
Le
peu donné par ce jeune garçon, c’est son geste qui fait boule de neige, comme
une source qui, venue des entrailles du cœur, s’est répandue dans le cœur de
tous.
Le
pain non mangé, non partagé, rassit, durcit, moisit ; c’est vrai de tout
pain qui peut nourrir notre être, notre vie ensemble, notre corps, notre cœur,
les relations, l’attention aux autres…
Qu’est-ce
que c’est pour tous ces gens ? Rien, trois
fois rien !
C’est
quelque chose !... « Oh, vous savez, on n’a pas grand-chose… surtout : on n’est
pas grand-chose ! »
Surtout
« on n’est pas grand-chose » : justement, tu deviendras
nourriture pour beaucoup si tu offres, dans les mains de Dieu, ce que tu crois
être.
De
nos trois fois rien, Dieu fait des
trois fois saints pour tous, « pour rassasier avec bonté tout ce qui vit
et donner à chacun la nourriture, toute nourriture, en temps voulu » (cf.
Psaume 144,15-16).
Les
petites galettes et les deux poissons de ce garçon sont devenus nourriture pour
tous ; mais en fait c’est lui qui est devenu nourriture par le don qu’il a
fait du peu qu’il avait, du peu qu’il était.
Même
le peu que nous avons et que nous sommes, il nous est donné.
Ce
don nous rend donnant à notre tour, pour être nous-mêmes, comme le Christ dans
cette Eucharistie, nourriture, pain, vie, amour. Ces trois fois rien que nous croyons être peuvent être beaucoup si nous
acceptons qu’ils passent entre les mains de Dieu.
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