SAINTE THÉRÈSE de L’ENFANT
JÉSUS et de la SAINTE FACE
Carmel de Saint Maur
Is 66, 10-14 ; 1 Jn
4, 7-16 ; Mt 11, 25-30
Lorsque Sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face écrit ces paroles que nous
connaissons bien : « J’ai compris que l’Amour seul faisait agir les
membres de l’Eglise, que si l’Amour venait à s’éteindre, les apôtres
n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs refuseraient de verser leur sang
[…], je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était
tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux. Alors je me suis
écriée : ma vocation, enfin, je l’ai trouvée, ma vocation, c’est
l’Amour ! » lorsqu’elle dit cela, elle se situe dans la ligne de ce
qu’écrit Saint Jean, c’est-à-dire à la
source de la vie humaine, à savoir Dieu qui est Amour, et qui, en communiquant
cet Amour à tout homme lui permet de donner sens à son existence.
« L’amour vient de Dieu … Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu.
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. »
Mais,
comprenons bien : cet amour est plus de l’ordre de la volonté que des
sentiments. Il est un choix de donner sa vie pour Dieu, pour l’Évangile, pour
le Christ, pour les autres. Cet amour est de l’ordre du don de sa vie, du
service, du discernement, du jugement éclairé pour déterminer où se dépenser,
où consacrer ses énergies. La référence de cet amour est Dieu lui-même,
qui « a envoyé son Fils en sacrifice de pardon (littéralement, en
propitiation) […] comme Sauveur du monde, […] il nous a donné part à son
Esprit. » L’amour dont Dieu nous a aimés et nous aime a conduit son Fils
sur la croix. Plus on contemple le Christ, plus on apprend à aimer comme lui.
« Sans
doute, au Carmel, on ne rencontre pas d’ennemis, écrit Sainte Thérèse, mais
enfin il y a des sympathies, on se sent attirée vers telle sœur au lieu que
telle autre vous ferait faire un long détour pour éviter de la
rencontrer ; ainsi sans même le savoir, elle devient un sujet de
persécution. Eh bien ! Jésus me dit que cette sœur, il faut l’aimer, qu’il
faut prier pour elle, quand même sa conduite me porterait à croire qu’elle ne
m’aime pas » (ms C) Aimer de façon pratique, sans paroles, mais en actes,
tout simplement.
C’est cet amour
qui nous pousse à prendre au sérieux les paroles de Jésus et à nous
associer à sa louange du Père : « Père, ce que tu as caché aux sages et
aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » L’amour conduit à la
mission, à l’annonce de l’Évangile, à être, comme Dieu, miséricordieux,
compatissant, attentif aux souffrants, aux démunis. Ce que le prophète Isaïe
dit de Dieu, l’Eglise, doit le faire sien pour le bien de l’humanité :
« Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve […] Vous serez comme des
nourrissons que l’on porte sur son bras, que l’on caresse sur ses genoux. De
même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai, dans
Jérusalem vous serez consolés. » Le pape Jean-Paul 1er écrivait : « Celui qui aime le
Christ pour de bon ne peut pas refuser d’aimer les hommes qui sont la famille
de Dieu. Même s’ils sont laids, méchants et ennuyeux, l’amour doit les
transfigurer un peu. »
La Bulle
d’indiction du Jubilé extraordinaire de la miséricorde écrite par le pape
François, comme son encyclique Laudato Si sur la sauvegarde de la
maison commune, nous donne des pistes concrètes pour la mise en pratique d’une
charité sociale : ce qu’il appelle les
œuvres de miséricorde ou la
conversion. « L’exemple de sainte Thérèse de Lisieux nous invite à
pratiquer la petite voie de l’amour, à ne pas perdre l’occasion d’un mot
aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié.
Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par
lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de
l’égoïsme. En attendant, le monde de la consommation exacerbée est en même
temps le monde du mauvais traitement de la vie sous toutes ses formes. »
(LS 230) Petits gestes et grandes stratégies, dit-il.
Chacun de nous
a une vocation personnelle. Dieu porte sur chacun de nous son regard de bonté
et de tendresse et nous appelle à entrer dans son Royaume en marchant à la
suite de Jésus. La plupart des hommes réalisent leur vocation dans le monde en
fondant une famille, ou en étant célibataire, tout en exerçant une profession.
Certains sont en attente de travail. D’autres encore exercent des activités non
lucratives. D’autres sont empêchés de travailler à cause de la maladie ou de
l’exil. Parmi les hommes et les femmes qui constituent l’humanité, certains
sont appelés à la vie consacrée, comme vous, mes sœurs. D’autres encore
reçoivent un ministère pour « le service de l’Eglise et des
hommes », selon la formule habituelle. Aujourd’hui, nous sommes trois,
Maurice, Louis et moi-même, à célébrer notre jubilé de 50 années de ministère
presbytéral ou épiscopal. Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir conduits
jusqu’à ce jour dans la foi et l’amour du Christ, en suivant le Christ, en
annonçant l’Évangile et en le vivant le plus fidèlement possible. Nous mesurons
le chemin parcouru avec les épreuves, nos propres faiblesses, les obstacles,
les aléas d’une période riche en événements et en courants de pensée, avec les
préoccupations d’être à la fois serviteurs de l’Évangile et présents dans la
pâte humaine, et aussi avec les joies suscitées dans les rencontres que nous
avons faites. Nous voulons vous faire partager notre action de grâce et vous
exprimer notre reconnaissance à vous,
mes sœurs, tout spécialement, puisque le Carmel de Lons-le-Saunier a toujours
été très proche des séminaristes et des prêtres du diocèse de Saint-Claude, que
vous priez pour le diocèse, que vous soutenez le dialogue œcuménique.
La
vocation de Sainte Thérèse de Lisieux a été de proclamer qu’il suffit d’aimer,
que l’amour rend capables les plus petits de faire de belles et grandes choses.
Aimer paraît facile à certains moments. Cela est plus difficile à d’autres
moments. Le poids de l’amour prend la forme du poids de la croix. Mais si nous
aimons avec le Christ, le fardeau de la croix est moins lourd. Prions les uns avec
les autres, les uns pour les autres, afin que les chrétiens de toute
confession qui écoutent la parole de Dieu comme une parole de pardon, de
soutien, de miséricorde, d’amour « ne se lassent jamais d’offrir la
miséricorde et soient toujours patients pour encourager et pardonner. Qu’ils se
fassent la voix de tout homme et de toute femme », qui souffre et espère être
mieux ! Que chacun et chacune de nous dise avec confiance :
« Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours !»
(Ps 25, 6)
Saint Maur, jeudi 1er octobre 2015 + Mgr Philippe GUENELEY
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