Carmel de Saint-Maur – Monseigneur Jacques Gaillot
Sagesse 7,7-14 ; Psaume 83 ; Romains
8,14-17.26-27 ; Jean 4,5-15
« Si tu savais le
don de Dieu… » (Jean 4,10)
C’est une parole qui nous est adressée en ce lieu, en ce
jour, à chacun et à chacune. Thérèse a découvert que ce don de Dieu, c’était un
trésor caché au fond de son âme, et que ce trésor caché, c’était la présence de
Jésus qui vient faire sa demeure en nous : « Demeurez en moi comme moi je demeure en vous » (Jean
15,4) - demeure de Jésus au centre de l’âme.
Thérèse a lu les confessions de Saint Augustin, avec
passion ; elle les a lues six fois, et il y a certains chapitres où elle
disait : « Mais ce Saint Augustin, il parle de moi, il s’agit de moi,
de mes recherches, de ce que je vis. » - et elle s’étonnait que ce
livre corresponde à ce qu’elle vivait. Et il y avait en particulier ces paroles
inoubliables de Saint Augustin qui s’adresse à Dieu en disant :
« Seigneur, tu étais au-dedans de moi et moi je me tenais au-dehors ;
tu étais au plus intime de moi-même et moi je me tenais à l’extérieur. »
La conversion de Saint Augustin, c’était de passer du dehors
au-dedans, et enfin permettre à Augustin de découvrir ce qu’il portait en
lui ; de faire ce pèlerinage intérieur en lui-même, et en rentrant en
lui-même, il a découvert cette présence que Dieu y faisait. Dieu était présent
à lui et il était présent à lui-même.
Thérèse d’Avila, dans le château de l’âme (Le château intérieur), dont elle
disait : « C’est un diamant. » - a parlé de cette pièce centrale
du château, qui était le centre de l’âme, et où Dieu l’a introduite. Et elle a
fait cette découverte à un siècle où tout commençait à bouger : Luther
faisait trembler l’Eglise par ses interventions, et puis les scientifiques
aussi, comme Copernic, qui a osé affirmer que la terre n’était pas le centre de
l’univers, et que la terre tournait modestement autour du soleil, et que Dieu
n’était pas cette clé de voûte d’un ordre immuable de l’univers, car tout bougeait.
Et toutes les certitudes s’écroulaient. Et Thérèse découvrait que, au centre de
l’âme, il y avait le Christ, le roi de l’univers, et que celui qui vivait avec
le Christ au centre de son âme, il était devenu le centre de l’univers.
« Si tu savais le
don de Dieu… » Et Thérèse nous dit : « Ne croyez pas que
vous irez dans le paradis avant d’être entrés dans votre âme. » Apprendre
à rentrer dans nous-même pour découvrir cette présence de Dieu en nous, quoi
que nous fassions et où que nous allions.
Il a une autre parole, Jésus : « Si tu connaissais celui qui te dit… » (Jean 4,10) Si tu
connaissais Jésus… Thérèse croyait connaître Jésus, et un jour, au monastère de
l’Incarnation, elle passait dans un oratoire et elle aperçoit une statue, qui
venait d’ailleurs, elle venait pour une fête et on l’avait placée là en
attendant. Elle voit cette statue de Jésus dans sa Passion, Jésus souffrant,
Jésus couvert de plaies. Elle est tellement saisie qu’elle sanglote et elle se
met à genoux devant cette statue, et elle comprend qu’elle ne connaissait pas
Jésus encore, et elle demande à Jésus la grâce de la conversion. Elle ne se
relèvera pas tant que cette grâce ne lui sera pas accordée.
Et Thérèse se relève ; on peut penser qu’elle a reçu
cette grâce. Elle se relève et c’est un moment décisif dans sa vie.
« Si tu
connaissais celui qui te dit…»
Elle savait des choses sur Jésus, mais Jésus était devenu
quelqu’un dans sa vie, avec qui elle va vivre, avec qui elle va parler. Elle
cite le grand Saint Paul, qui disait : « Ce
n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates
2,20).
Et Jésus a besoin de notre humanité, de nos mains, de notre
regard, de notre cœur, pour rejoindre les autres. Jésus vient vivre en nos vies
pour rejoindre les autres, pour que l’amour du Père qui est en Jésus puisse
nous traverser et rejoindre les autres. Thérèse a compris ça.
« Si tu
connaissais celui qui te dit… »
Que cette grâce nous soit donnée, que Jésus devienne
quelqu’un pour nous, ne nous quitte plus et nous accompagne partout.
Et puis une troisième parole de Jésus dans cet
Evangile : « L’eau que je te
donnerai, elle sera en toi une source jaillissante » (Jean 4,14).
Il y a en chacun de nous une source cachée qui murmure, et
que l’Esprit Saint désire faire jaillir ; et cette source jaillissante fait que
nous vivons, que nous aimons, que nous servons. C’est une source qui donne des
fruits.
Thérèse est une femme qui aimait la vie, qui aimait la
rencontre, qui aimait l’amitié, et elle savait dire ses émotions, ses
recherches, ses désirs, sa foi. Quand elle écrit le livre de sa vie (La Vie), on est étonné par sa facilité
de dire ce qu’elle porte en elle, ce qu’elle vit. Elle écrit avec son cœur et
avec son âme. Et Thérèse marquera tous ceux qu’elle rencontrera, par cet amour
de la vie, par les qualités qu’elle porte en elle.
Quand elle commencera la réforme du Carmel, elle aura des
adversaires, elle aura des contradicteurs, parmi les gens importants. Elle
n’aura pas peur d’aller rencontrer ces dignitaires qui s’opposent à elle dans
sa réforme. Elle va les voir ; elle va les voir avec sa liberté ; elle
va les voir avec son habileté, avec son charme aussi, avec ses paroles ; et
tous ceux qui l’on rencontrée ont été transformés, et la plupart du temps ses
adversaires sont devenus des partisans de la réforme. Quand ils rencontraient
celle qu’on appelait en espagnol la Madre, eh bien ils changeaient parce
qu’elle s’imposait par ce qu’elle était, par sa liberté - oui, Thérèse, la
grande Thérèse.
Et je crois aussi que Thérèse a marqué les gens par la
présence qui était en elle, cette présence qui était d’une telle nature, d’une
telle grandeur qu’on ne trouve nulle part ailleurs équivalent. Elle était
partout habitée par cette présence de Dieu, et elle donnait aux autres le sens
de la proximité de Dieu.
Les dons de Dieu ne sont pas réservés à une personne, à une
élite, les dons de Dieu sont pour tout le monde, mais Dieu ne s’impose pas, et
ne force pas ; il est celui qui frappe à la porte, il est celui qui se
propose, qui est patient, qui attend, et nous avons besoin de lui ouvrir la
porte de notre âme pour qu’il puisse demeurer avec nous et nous redirons avec
Saint Paul : « Ce n’est plus
moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. »
« Je suis
à toi Seigneur, pour toi je suis née, pour toi je veux vivre, Seigneur, que
veux-tu de moi ? Donne-moi la mort ou la vie, donne-moi l’ombre ou la
gloire, donne-moi le combat ou la paix, donne à ma vie la faiblesse ou la
force : à tout je dis oui. Je suis à toi, Seigneur, pour toi je suis née,
pour toi je veux vivre ; Seigneur, que veux-tu de moi ? »
Sainte Thérèse d’Avila Poésie n°2
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