Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
« Tu
prêches dans le désert, mon pauvre Maurice ! »
Je
ne dis pas ça pour vous, que je vois bien attentifs. C’est ce que m’avait dit
un bon Père Curé, déjà âgé et très gentil, qui m’avait invité à prêcher la fête
patronale de sa paroisse.
« Tu
prêches dans le désert ! »
Ça
n’était pas très encourageant pour le jeune prêtre que j’étais ! Mais je
me suis dit : « C’est comme ça qu’on apprend le métier ! »
Ce
souvenir m’est revenu en lisant cet évangile : ça arrive à tous de parler
dans le désert !
Jean-Baptiste,
non seulement il prêche, mais il crie dans le désert : « Préparez le chemin du
Seigneur ! » (Luc 3,4)
Qui
pouvait bien l’entendre dans le désert ? Et comprendre ses paroles :
« Redressez les virages, comblez les ravins, aplanissez les bosses,
enlevez les cailloux – pour faciliter la venue du Seigneur, venant nous
rejoindre, et apporter son message de bonheur : « Tout être verra le salut de Dieu ! » (Luc 3,6)
Ce
message que nous adresse Jean-Baptiste, il l’a reçu dans le désert ; il
nous le transmet dans nos déserts.
Le
désert est un lieu difficile, aride ; c’est aussi et surtout un état
intérieur de sécheresse, de traversée, où on se trouve face à soi-même, à ses
choix, face à sa fragilité et à sa générosité.
Le
désert nous dépouille de l’accessoire, du superflu, des désirs superficiels,
pour creuser un désir plus profond et plus vrai : celui d’accéder à un
point d’eau - d’eau vive -, le désir de nous réaliser selon le cœur de Dieu.
« Nous
irons trouver la source, dit Saint Jean de la Croix, même de nuit. » (Poésie
IX) Seule la soif peut nous éclairer. Seul le désir peut nous faire trouver le
chemin de la source, pour un plus, un mieux, une vie ensemble, un ajustement de
nos existences toujours mieux accordées au désir de Dieu sur nous.
Sur
ce chemin, le Christ nous rejoint, si nous lui ouvrons la route, et la
porte !
« Préparez le chemin du
Seigneur ! »
Ecoutons
la voix de Jean-Baptiste dans nos déserts - déserts propices à percevoir une
voix intérieure, loin des multiples bruits.
Redresse
en toi ce qui est tordu, ça ira mieux pour se rejoindre, se comprendre !
Comble en toi les ravins et les ornières des discordes qui coupent la route des
relations ; nivèle en toi les bosses – ou les montagnes – d’égoïsme et
d’orgueil qui isolent ; enlève en toi les cailloux des jalousies, de la
méchanceté, qui font trébucher et tomber.
Quitte
en toi tes sentiments de tristesse, pour te laisser envelopper du manteau d’amour
de Dieu - source de paix et de joie intérieures. C’est la première lecture et
notre chant d’entrée.
Mais
c’est vrai que bien souvent nous aimons encore bien nos vieux habits, comme nos
vieilles chaussures – on est tellement bien dedans ! Ils se sont faits à
nous !
Alors
que l’Evangile fait toujours du neuf en nous : « Voici que je fais
toutes choses nouvelles », dit le Seigneur. Se laisser
« rhabiller » intérieurement par la grâce du Seigneur, le laisser
réaménager notre intérieur pour sa venue, c’est le temps de l’Avent, le temps
du grand désir de l’attente… le temps de nous laisser conduire par Dieu, dans
la joie, à la lumière, avec sa miséricorde. C’est aussi la première lecture, et
l’étoile de notre semaine.
Prions
avec cette très belle prière qui a ouvert notre Eucharistie et qu’on peut
redire cette semaine : « Ne laisse pas le souci de nos tâches
présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils. »
On
ne demande pas d’être débarrassés des soucis – on en a toujours – mais qu’ils
ne soient pas un obstacle à notre désir et à notre marche.
« Eveille
en nous l’intelligence du cœur » - une des plus belles qualités
intérieures : pas un paquet de connaissances, mais un cœur qui comprenne,
qui aime, qui s’éveille au désir d’une source dans nos déserts et les déserts
du monde.
Le
Seigneur vient ; ne lui barrons pas la route !
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