14 décembre 2015 au Carmel de Saint-Maur
Is 43, 1-5,
Ps 138
Rm 8, 14-18.28-30Jn 17, 11b.17-26
Mes Sœurs,
Nous célébrons en ce jour saint Jean de la Croix,
prêtre, Carme, Docteur de l’Eglise. Mais nous le fêtons dans un contexte
particulier, celui du moment de l’histoire du monde et de l’Eglise où nous sommes. Et cela nous
permet de comprendre l’étonnante modernité de saint Jean de la Croix, et aussi son
intérêt pour l’Eglise de notre temps.
En effet, notre Eglise et particulièrement notre
Eglise qui est dans le Jura, est animée par un grand texte initié par le pape
Benoît XVI et que nous a donné le pape François : « La Joie de l’Evangile ».
Ce texte fait suite, vous vous en souvenez, au Synode
sur l’évangélisation voulu et conduit par le pape Benoît XVI juste avant qu’il ne
démissionne. Ce texte, fruit du travail du Synode, mais aussi de la réflexion du Pape
actuel, vient radicalement remettre au cœur des baptisés ce qui est l’essentiel de la foi
chrétienne : la foi n’est pas d’abord une affaire de savoir théologique ou catéchétique,
même s’ils sont nécessaires ; la foi n’est pas non plus une affaire de morale, même s’il y
a une morale chrétienne ; elle n’est même pas d’abord une affaire d’engagement. Le cœur de
la foi, rappelle le pape François, citant Benoît XVI lui-même, c’est la
rencontre de quelqu’un : « A l’origine du fait chrétien, il n’y a pas une
décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne qui
donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive ».
Bref, être chrétien, c’est rencontrer Jésus
vivant et développer avec lui une relation d’amitié qui va transformer la
vie.Or ce mystère d’une rencontre, d’une union d’amour avec la personne du Christ, d’une union qui transforme, c’est bien le cœur de tout l’enseignement de saint Jean de la Croix et de son expérience.
l le formule de mille manières dans ses écrits : « Prends ton Seigneur pour un époux et un ami que tu ne quittes plus, et tu iras sans pécher, et tu sauras aimer ».
C’est bien au nom de cet amour qu’il goûte et qu’il éprouve que saint Jean de la Croix témoignera et évangélisera tout au long de sa vie, par la joie qui rayonnera de lui.
Mais si notre Eglise est traversée par l’appel à vivre de Jésus et à témoigner de lui, elle est aussi entrée dans une année jubilaire de la Miséricorde que le grand saint du Carmel éclaire aussi.
Il est vrai que nous sommes peut-être plus habitués à
faire le lien entre la miséricorde et le Carmel en pensant à sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus. Elle est celle qui, dépassant, traversant la question de la justice divine
qui hantait alors le coeur des croyants, a fait découvrir et a expérimenté la bonté
du coeur de Dieu et sa miséricorde infinie.
Mais cette conviction concernant la miséricorde, la
tendresse et la bonté de Dieu qui dépassent toute chose et surtout notre péché lui
est bien venue par le Carmel, et en partie par saint Jean de la Croix dont elle s’est
beaucoup nourrie. Or c’est bien saint Jean de la Croix qui, dans sa prière « Seigneur Dieu, mon
Bien-aimé », invoque la bonté et la miséricorde de Dieu : « Exerce ta bonté et ta miséricorde,
et tu seras connu en eux ».
Car pour saint Jean de la Croix, la miséricorde n’est
pas seulement le pardon que l’on reçoit pour ses fautes, ou les oeuvres de
miséricorde que l’on peut exercer à l’égard de ses frères. Pour lui, la miséricorde, c’est bien
plus radicalement ce que Dieu exerce infiniment à notre égard, non pas seulement en
pardonnant nos péchés, mais en restaurant son image en nous.
Pour Jean de la Croix,
le propre de Dieu est de faire miséricorde, et c’est la contemplation de Jésus et de
la Trinité qui conduit à découvrir la justice et la miséricorde de Dieu dont nous
bénéficions : c’est parce que Dieu est miséricorde qu’il nous a sauvés, qu’il a restauré en
nous son image et que nous pouvons prendre le chemin de l’union d’amour, le chemin du
sommet du Carmel.
Enfin, si notre Eglise est appelée à vivre la joie de
l’Evangile, la grâce de la miséricorde que saint Jean de la Croix éclaire,
elle est aussi appelée à louer Dieu pour la beauté et la bonté de la création : le
pape François invite tous les
croyants à se laisser toucher par la question
écologique.
Or cette question traverse aussi à sa manière la vie
et l’oeuvre de saint Jean de la Croix. Nous le savons bien, saint Jean de la Croix est
un poète. Et si toute sa sagesse spirituelle consiste à garder une entière liberté à l’égard
du créé et des créatures pour aimer, comme il l’écrit dans Le Cantique spirituel : « L’âme connaît aussi, dans le feu
et dans les lumières de la
contemplation, l’abondance des richesses et des embellissements dont Dieu a favorisé les créatures
».
Si pour saint Jean de la
Croix il s’agit bien d’adorer le Dieu créateur et non les créatures, la création et
sa beauté sont des vestiges, des reflets de la beauté de Dieu lui-même.
Pour cette raison, saint Jean de la Croix cherchera
toujours des solitudes au cœur de la nature pour goûter la tranquillité, admirer la
beauté et contempler en paix. Il aura même le souci, dans les couvents qu’il conduira, de
créer des jardins qui aideront à la contemplation.
Mes Soeurs, notre Eglise vit de la Joie de l’Evangile,
de la Miséricorde et du don de la création. Saint Jean de la Croix, votre père, a
chanté ces mystères, en invitant à aimer le Christ, à contempler la miséricorde du Père et en
goûtant la beauté du créé. C’est pourquoi je rends grâces avec tout le diocèse pour la
présence de votre communauté au coeur du Jura. Votre mère, sainte Thérèse d’Avila,
avait réformé le Carmel pour produire « des oeuvres, des oeuvres et encore
des oeuvres ».
Vous en produisez par
votre prière et par votre témoignage. Vous en produisez aussi en
rendant accessible la pensée du Carmel qui vient éclairer les grands sujets qui
habitent la société et l’Eglise.
Que le Seigneur bénisse votre communauté et lui donne
de continuer à porter du fruit.
Amen.
+ Vincent Jordy
Evêque de Saint-Claude
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