Carmel de Saint-Maur - Mgr Philippe Gueneley
Ac 1, 1-11 ; Ep 4, 1-13 ; Lc 24, 46-53
L’Ascension
apparaît comme un accomplissement de la mission de Jésus, « depuis le
moment où il commença jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel et après avoir,
par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux apôtres qu’il avait
choisis. »
Ceux-ci avaient
espéré que Jésus rétablirait le royaume pour Israël. Mais Jésus avait dit et
réalisé autre chose : il avait souffert, il était mort sur une croix, il
était ressuscité d’entre les morts le 3ème jour, il avait proclamé
la conversion pour le pardon des péchés. Il avait annoncé qu’ils recevraient
une « force », une « puissance venue d’en haut », « quand
le Saint-Esprit viendrait sur eux », et il les avait chargés d’une
mission : être ses témoins à Jérusalem
d’abord – donc ils ne devaient pas quitter cette ville - puis en Judée,
en Samarie et dans toutes les nations.
La disparition
visible de Jésus auraient pu les démoraliser, les inquiéter. Certes, elle les
interroge, mais ils ne sont pas angoissés. Au contraire, ils sont en
« grande joie. » Ils ne cessent pas de bénir Dieu dans le Temple. Il
faut dire qu’ils ont reçu la bénédiction de Jésus : « Levant les
mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il
était emporté au ciel. »
« Galiléens,
pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été
enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu
s’en aller vers le ciel. » Il est facile d’imaginer la scène. Elle est
celle d’un départ de quelqu’un avec qui
l’on a vécu longtemps. Nous avons sans doute fait l’expérience du départ
sur un quai de gare d’un membre de notre famille ou d’un ami. Le train va
partir. Il reste encore quelques minutes pendant lesquelles il y aurait
beaucoup à se dire. Et puis, le train part. On demeure immobile, muet, jusqu’à
ce que le dernier wagon disparaisse à nos yeux. On éprouve alors une sorte de
vide. Qu’allons-nous devenir sans la présence de celui qui vient de nous
quitter ?
« Pourquoi
restez-vous là à regarder vers le ciel ? », disent les deux hommes en
vêtements blancs aux Apôtres. Ceux-ci font alors l’expérience de son absence.
Ils ne le voient plus comme auparavant. Expérience difficile, mais nécessaire
et bénéfique. Ils vont passer à un autre mode de relation avec le Christ :
celui de la foi. Croire sans voir.
Jésus n’est
plus visible et pourtant il demeure présent avec nous tous les jours, d’une
présence cachée, discrète. L’expérience de son absence nous conduit à croire en
sa présence. Ce que les yeux ne voient pas, la foi l’atteste. « Je suis
avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. »
Jésus n’est
plus visible, mais il demeure agissant par sa Parole et par son Esprit,
l’Esprit qui est une force qui rend capable de témoigner de Jésus. « Le
Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui
l’accompagnaient. » Jésus est présent en chaque croyant par son Esprit.
Jésus n’est
plus visible, mais il demeure présent de façon unique et bien réelle dans
l’eucharistie, sous les espèces du pain et du vin, qui deviennent son corps et
son sang par la puissance de son Esprit et de ses paroles redites en mémoire de
lui. La messe est vraiment la Pâque qui rejoint notre vie. Grâce à la messe
Jésus s’approche de nous et comble notre vie de cette grâce de salut qui
s’écoule de la croix et jaillit de la résurrection. Dieu continue de se donner dans
la Pâque de Jésus qui est célébrée sacramentellement dans les rites de la
messe.
Ainsi, Jésus
élevé à la droite du Père, ne nous laisse pas orphelins ni seuls. Il continue
dans toute l’humanité et en chacun de nous son œuvre de salut. Bien plus, il confie
à ses apôtres et à ses disciples d’aller dans le monde entier et de proclamer
la Bonne Nouvelle en suscitant la foi et en baptisant. Il associe à sa mission
ceux qui deviennent croyants : « En mon nom, ils expulseront les
démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des
serpents dans leur mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne le fera pas
de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en
trouveront bien. » (Mc 16, 17-18) Cette mission concerne toute l’Eglise, elle
nous est confiée à nous, là où nous vivons. Être témoin du Christ, de ses
commandements, de ses paroles, vivre de son Esprit : c’est la vocation de
tout baptisé. Annoncer la Bonne nouvelle, l’Évangile de charité, de vie, de
joie, de liberté, de vérité. Annoncer par nos paroles, et aussi par nos actes,
par notre comportement, spécialement en étant attentif aux plus pauvres et aux
plus fragiles.
Jésus est passé
de ce monde à son Père. Par lui, nous sommes déjà auprès du Père, alors que
nous sommes encore sur cette terre. « Lui est avec nous, alors que nous
sommes aussi avec Lui. » (Saint Augustin)
Sans nous
arracher aux pesanteurs, aux souffrances, aux obscurités, aux épreuves et aux
questions de notre vie humaine sur cette terre, la foi en Dieu que l’on ne voit
pas ouvre un passage sur un monde nouveau : « L’Ascension de ton Fils
est déjà notre victoire. » Jésus, le premier, a fait le passage de ce
monde à son Père. Nous espérons être auprès de lui dans la gloire. Depuis sa
résurrection, la lumière du ciel ne cesse pas de briller sur la terre. L’Eglise
qui, par la prédication, la catéchèse et par le baptême engendre à une vie
nouvelle et immortelle des fils conçus du Saint-Esprit, nous invite à être
porteurs d’espérance et acteurs de cette vie nouvelle donnée par le Christ.
Jésus a ouvert la route, il a même ouvert les cieux, ils se sont ouverts pour
lui. Tout trouve alors son sens plénier et son accomplissement en Dieu au-delà
de notre vie sur terre. Saint Paul dit : « Si vous êtes ressuscités
avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le
Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles
de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort et votre vie reste cachée
avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi,
vous paraîtrez avec lui dans la gloire. » L’Ascension de Jésus nous dit le
sens profond de notre existence humaine, in
fine, au terme : être avec
le Christ dans la gloire du Père. La recherche des réalités d’en haut est le
parcours de toute vie chrétienne qui s’inscrit à la suite du Christ et qui
réalise notre vocation première.
Dans cette
eucharistie, qui est le sacrement mémorial de la passion, de la mort, de la
résurrection et de l’ascension de Jésus, en attendant sa venue dans la gloire,
Jésus donne un signe simple, humble et fragile de sa présence : du pain et
du vin qui deviennent son corps et son sang. C’est un don qu’il nous fait pour
nous dire sa présence et pour que nous annoncions sa vie, ses paroles et sa
résurrection. C’est un don fait pour nourrir notre foi et pour que l’Eglise se
construise comme Corps du Christ, chacun y exerçant sa responsabilité, sa
mission. L’Eglise est porteuse de la présence du Christ. Par son existence
même, elle dit la présence du Christ. Puisse-t-elle l’assurer avec fidélité !
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