Posted by Francesco Follo on 14 May, 2016
«Pentecôte. Le don du Consolateur»: voici le commentaire des
lectures de la messe de la Pentecôte, dimanche prochain, 15 mai, proposé par
Mgr Francesco Follo, Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris.
Mgr Follo propose aussi une lecture patristique tirée de saint
Léon le Grand (390 – 461).
Les références des lectures de la messe sont: Actes des Apôtres
2, 1-11 ; Psaume 103 ; épître de saint Paul aux Romains 8, 8-17 ; évangile de
saint Jean 14, 15-16.23-26.
Pentecôte. Le don du Consolateur
1°) Ouverture et don de soi pour recevoir le Don.
La liturgie nous propose aujourd’hui pour la Solennité de la
Pentecôte la lecture de l’Évangile de Saint Jean, chapitre 14, versets
15-16.23-26 qui sont extraits des discours d’adieu que Jésus fait dans l’Évangile
de Saint Jean et qui vont du chapitre 13, verset 31 à tout le chapitre 17.
Le thème principal de ces discours magnifiques est l’Exode du
Christ, c’est à dire « l’aller »
de Jésus : « Je ne suis plus avec vous que pour peu de temps, là où
je vais, vous ne
pouvez venir. » (Jn 13, 33) ; « Je suis sorti du Père et je suis
venu dans le monde ; tandis qu’à présent je quitte le monde et je vais au Père. » (Jn
16, 28) ; « Mais maintenant je vais
à toi, Père. » (Jn 17, 13). L’exode, l’aller de Jésus vers le Père
porte aussi en lui la signification de notre
aller, de notre exode, qui est notre parcours existentiel et notre
parcours de foi en ce monde. En suivant et en écoutant le Christ sur ce chemin,
nous apprenons à vivre en Lui, pour Lui, avec Lui et comme Lui.
C’est dans ce contexte que sont insérés les quatre versets qui
sont proposés aujourd’hui dans la lecture de l’Évangile et où Jésus nous parle
de l’Esprit consolateur. Pour réconforter ses disciples d’alors et aussi ceux
d’aujourd’hui qui sont dans un chemin de lumière qui passe par la Croix, le
Christ promet l’Esprit Saint qui est le « Consolateur »
ou si l’on utilise le terme grec, le « Paraclet »
ce qui veut dire « l’avocat
défenseur », parce qu’il défend de Satan qui est l’accusateur.
Si nous traduisions à la lettre « Paraclet », nous devrions écrire « appelé auprès »,
c’est à dire appelé pour être à coté de chaque disciple pour qu’il garde
fidèlement la mémoire du Maître et pour qu’il ait une compréhension profonde de
sa Parole ainsi que le courage tenace d’en être le témoin.
Toujours dans les quatre versets de l’Évangile d’aujourd’hui,
Jésus nous dit quelles sont les conditions pour accueillir l’Esprit :
l’aimer Lui, écouter sa parole et observer ses commandements. S’il manque ces
trois conditions, il n’y a aucune ouverture à l’Esprit et à son action en nous.
Ces trois conditions peuvent être résumées en une seule : le don complet de soi.
Mère Teresa de Calcutta dirait : abandon
total. A l’exemple de cette sainte et surtout de la Vierge Marie
qui devint mère en s’abandonnant à l’action de l’Esprit Saint quand elle dit
« Voici la servante du Seigneur », nous disons : « Qu’il
soit fait selon ta parole ». Comme la Sainte Vierge, donnons-nous
complètement à Dieu. Se donner à Lui c’est se donner à l’Amour qui rend notre
vie féconde et heureuse.
2°) La logique du don.
Au don de nous-même que nous lui faisons, le Père répond en nous
donnant le Consolateur.
Ce don est précédé de l’acte d’amour du Père qui sait que nous
avons besoin de consolation : « Toi, Seigneur, tu m’as scruté et tu
me connais, tu connais mon coucher et mon lever ; de loin tu discernes mes
projets ; tu surveilles ma route et mon gîte, et tous mes chemins te sont
familiers. » (Ps 139, 1-4) Lui a vu ma misère en terre étrangère et il a
écouté mon cri, il connaît en effet mes souffrances et voit les oppressions qui
me tourmentent (Cf. Ex 3, 7-9) ; rien n’échappe à son amour infini pour
moi. Pour tout cela, Il nous donne le Consolateur. Le Père est le
Donateur : tout nous vient de Lui et de personne d’autre.
Si ensuite nous regardons la seconde lecture de la messe qui
nous offre un extrait de la lettre de Saint Paul aux Romains (8, 8-17), nous
comprenons que le don de Dieu est l’Esprit de liberté, parce qu’il nous libère
de l’esclavage de la chair, c’est à dire de l’égoïsme. L’Esprit transforme le
désir de l’homme : non plus les désirs de l’égoïsme, mais ceux de la
charité, du don ému de soi-même. Quand nous restons enfermés dans notre égoïsme
(la chair) nous percevons la loi de l’amour (la loi de Dieu) comme un poids et
un esclavage. L’Esprit Saint rend saint le « désir » de l’être
humain, alors la loi de la charité devient ce qu’il désire, ce à quoi il
tend : la vie, la vérité et l’amour. L’Esprit Saint nous libère en nous
transformant de l’intérieur, à tel point qu’il renouvelle même le rapport à
Dieu : non plus esclave, mais fils. Et cela aussi est une grande liberté.
Quand Saint Paul parle de fils « adoptifs », ce n’est pas pour
diminuer notre filiation en la réduisant à quelque chose d’extérieur et de
juridique mais pour en rappeler la gratuité. Dieu est « un abîme de
paternité » (Origène), qui s’exprime en un amour intense, infini, rempli
de sollicitude et de délicatesse, de tendresse et de miséricorde. Et quand le
fils se rebelle contre cette paternité en cherchant à la nier, à la supprimer
en s’éloignant de la maison paternelle et en gaspillant les richesses reçues
comme avance sur l’héritage, la réaction du Père céleste non seulement n’est
pas une réaction de colère mais témoigne d’un cœur qui s’attendrit. Dieu est un
Père bon qui accueille et embrasse le fils perdu et repenti (cf. Lc 15, 11…),
il donne gratuitement à ceux qui demandent (cf. Mt 18, 19 ; Mc 11,
24 ; Jn 16, 23) et il offre le pain du ciel et l’eau vive qui font vivre
pour l’éternité (cf. Jn 6, 32.51.58). La paternité de Dieu est amour infini.
3°) Le don de l’Esprit Consolateur.
Avec l’Ascension, le Christ ne nous a pas laissé seuls ni
orphelins. Avec la Pentecôte, nous célébrons aujourd’hui le fait qu’il
maintient la promesse de nous envoyer son Esprit qui nous permet d’aimer comme
il aime lui. Si auparavant, il était avec nous et près de nous, désormais il
sera en nous. Celui qui est aimé est la demeure de celui qui l’aime : il
le porte dans son cœur, comme sa vie. Nous sommes depuis toujours en Dieu qui
nous aime d’un amour éternel et paternel. Si nous l’aimons, il demeure en nous
comme nous sommes en Lui. En effet Jésus dit : « Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez
lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes
paroles. Or la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du
Père qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ;
mais le consolateur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous
enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
(Jn 14, 23-26)
Il est juste et beau de traduire le mot d’origine grec
« Paraclet » par le mot « Consolateur » (du latin cum-solo
= avec le seul, parce qu’il indique l’Esprit comme celui qui « sera avec
nous pour toujours » cf Jn 14, 16). L’Esprit Saint est donc consolateur
parce qu’il ne nous laisse jamais seul. Qui aime et est aimé n’est jamais seul,
il est avec l’autre qui l’aime.
Après nous avoir dit que ce Consolateur est toujours avec nous
et pour toujours, il nous en dit le nom : Esprit de Vérité. Esprit de
Vérité veut dire Esprit vrai, la vraie vie. Qu’est-ce que la vraie vie ?
C’est la vie de Dieu. Qu’est-ce que la vie de Dieu ? C’est l’Amour entre
le Père et le Fils.
Ce Consolateur qui nous est donné est la vraie vie de Dieu. Et
la vie de Dieu est l’Amour entre le Père et le Fils qui est toujours avec nous.
Le Pape François résume ainsi cela d’une façon profonde et
existentielle : « L’Esprit Saint est la source inépuisable de la vie
de Dieu en nous. » L’homme, en tout temps et en tous lieux, désire une vie
belle et pleine, juste et bonne, une vie qui ne soit pas menacée par la mort
mais qui puisse mûrir et grandir jusqu’à sa plénitude. L’homme est comme un
pèlerin qui traversant les déserts de la vie, a soif d’une eau vive,
jaillissante et fraîche, capable de désaltérer en profondeur son désir profond
de lumière, d’amour, de beauté et de paix. Nous sentons tous ce désir ! Et
Jésus nous donne cette eau vive : c’est l’Esprit Saint qui procède du Père
et que Jésus déverse en nos cœurs.
« Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils
l’aient en abondance. » (Jn 10, 10)
En écho à cet enseignement, je propose la prière de Mère Térésa
de Calcutta : « Seigneur, tu es la vie que je veux vivre, la lumière
que je veux refléter, le chemin qui conduit au Père, l’amour que je veux aimer,
la joie que je veux partager, la joie que je veux semer autour de moi. Jésus,
tu es tout pour moi, sans toi je ne peux rien. Tu es le Pain de vie que
l’Église me donne. C’est par Toi, en Toi, avec Toi que je peux vivre. »
4°) Le don de l’Esprit et les vierges consacrées dans le monde.
C’est un don de l’Esprit Saint que le don virginal des vierges
consacrées qui, dans la puissance de l’amour, ont su garder leur cœur tout
entier pour le Christ. Il est vrai que depuis la Pentecôte, le mode de vie du
Christ continue à être présent dans le mode de vie des Apôtres comme le livre
des Actes nous le montre. Ce mode de vie ne disparaît même pas avec la mort des
derniers apôtres : « Tout au long des siècles, les personnes dociles
à l’appel du Père et aux motions de l’Esprit Saint n’ont jamais manqué. Elles
ont choisi ce chemin particulier à la suite du Christ pour se dédier à Lui d’un
cœur sans partage. » (Cf 1Cor 7, 34) Elles aussi ont tout abandonné comme
les apôtres pour être avec Lui et se mettre comme Lui au service de Dieu et de
leurs frères. » (Vie Consacrée (VC) 1 ; cf. 14 ; 22)
Les femmes consacrées, en effet, sont appelées à vivre comme les
vierges qui, à l’exemple de Marie vierge et mère, portent le Christ sur les
routes du monde : elles deviennent christoformes (VC 19), c’est à dire
qu’elles deviennent une icône sainte et pure. Et cela n’est possible seulement que
par la force d’un don particulier de l’Esprit. (Ibid. 14).
Pour cela la personne appelée à la vie consacrée « doit
ouvrir l’espace de sa propre vie à l’action de l’Esprit Saint. » (VC65)
Grâce à la puissance de l’Esprit de la Pentecôte, la personne
consacrée devient profondément missionnaire, annonçant l’Évangile par une vie
qui, grâce à la puissance de l’Esprit Saint, est progressivement configurée au
Christ. (cf VC19)
Elles sont missionnaires de l’amour parce que la consécration
les rend capable d’aimer avec le cœur du Christ (cf VC 75) et de se mettre
comme lui au service des hommes.
Comme il est affirmé dans le Préambule au Rite de la
Consécration des vierges : « Les vierges dans l’Église sont des
femmes qui sous l’inspiration de l’Esprit Saint, font vœu de chasteté afin
d’aimer plus ardemment le Christ et de servir leurs frères avec un dévouement
plus libre. » (n2) Avec leur virginité consacrée, elles sont les témoins
de la réalité concrète du monde invisible et spirituel et elles rappellent à
nous tous la réalité du Royaume des cieux.
Lecture Patristique: Saint Léon le Grand (390 – 461)
Sermon 15, 1-3 (CCL 138 A, 465-467)
La solennité de ce jour, mes bien-aimés, doit être vénérée parmi
les fêtes principales, tous les coeurs catholiques le savent. Nous devons
assurément le plus grand respect à ce jour que l’Esprit Saint a consacré par le
prodige suprême du don de lui-même.
Ce jour est en effet le dixième après celui où le Seigneur a
dépassé toute la hauteur des cieux pour s’asseoir à la droite de Dieu son Père.
Il est le cinquantième jour à briller pour nous depuis sa résurrection, en
Jésus par qui le jour a commencé. Ce jour contient en lui-même de grands
mystères, ceux de l’économie ancienne et ceux de la nouvelle. Il y est en effet
clairement montré que la grâce avait été annoncée d’avance par la Loi, et que
la Loi a été accomplie par la grâce.
En effet, c’est cinquante jours après l’immolation de l’agneau
que jadis le peuple hébreu, libéré des Égyptiens, reçut la Loi sur la montagne
du Sinaï. De même, le cinquantième jour après la passion du Christ, qui fut
l’immolation du véritable agneau de Dieu, cinquante jours après sa résurrection,
l’Esprit Saint fondit sur les Apôtres et sur le peuple des croyants. Le
chrétien attentif reconnaîtra donc facilement que les débuts de l’Ancien
Testament étaient au service des débuts de l’Évangile, et que la seconde
alliance fut constituée par le même Esprit qui avait fondé la première.
Car, au témoignage de l’histoire apostolique, quand arriva la
Pentecôte, ils se trouvaient tous réunis ensemble. Soudain il vint du ciel un
bruit pareil à celui d’un violent coup de vent: toute la maison où ils se
trouvaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se
partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous
remplis de l’Esprit Saint. Ils se mirent à parler en d’autres langues, et
chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit (Ac 2,1-4).
Comme elle est rapide, cette parole de sagesse, et lorsque Dieu
est le maître, comme on apprend vite ce qu’il enseigne! On n’a pas eu besoin de
traduction pour comprendre, d’exercice pour pratiquer, ni de temps pour
étudier. Mais, l’Esprit de vérité soufflant où il veut (Jn 3,8),
les mots qui étaient propres à chacune des nations devinrent communs à tous
dans la bouche de l’Église.
A partir de ce jour, la trompette de la
prédication évangélique se mit à retentir. Dès ce moment, les ondées de
charismes, les flots de bénédictions arrosèrent tout désert et toute terre
aride parce que, pour renouveler la face de la terre (Ps 103,30),
l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux (Gn 1,2).
Pour chasser les anciennes ténèbres, une lumière nouvelle jetait des éclairs.
De l’éclat des lampes étincelantes naissaient et le Verbe du Seigneur qui
illumine, et la parole enflammée qui, pour créer l’intelligence et consumer le
péché, a le pouvoir d’illuminer et la force de brûler.
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