P JM Bouhans
Ils étaient tous deux de la tribu de Benjamin et donc
faits pour s’entendre mais ils finiront par s’opposer. Ananie ne cesse de
répéter : « ainsi parle le Seigneur ». Il l’a redit trois fois aujourd’hui. Et
même une fois, en ajoutant : « oracle du Seigneur ». Mais jamais on ne nous a
dit qu’une parole du Seigneur avait été adressée à Ananie. Jérémie, il lui
arrive de donner son avis ; il le fait simplement sans dire : « ainsi parle le
Seigneur » mais quand la parole du Seigneur lui est adressée, il ne recule pas
et signale à Ananie « ainsi parle le Seigneur : Tu as brisé un joug de bois,
mais à sa place tu feras un joug de fer ». Le joug fait baisser la tête des
animaux qui le portent et symbolise la soumission. Un joug de fer annonce une
politique plus encore plus dure des Babyloniens, et pour bientôt une deuxième
vague de déportés.
Matthieu raconte qu’à l’annonce de la mort de Jean le
Baptiste, Jésus part au désert. La mort de Jean remonte déjà dans le temps mais
du côté d’Hérode, l’image de la victime poursuit l’assassin : peut-il en être
autrement ? Et ses questions sur Jésus et son identité ravivent en lui ce
souvenir : serait-il Jean Baptiste ressuscité ? Matthieu nous fait passer ainsi
du festin de la mort au festin de la vie. Et le partage du pain d’aujourd’hui
et la marche sur les eaux de demain acquièrent alors une forte coloration
pascale : Jésus nourrit son peuple, domine la mer, les forces de la mort, comme
le Dieu de l’Exode. Le récit devient davantage théophanie, révélation de la
personne de Jésus que récit merveilleux d’un miracle.
Dieu avait nourri son peuple au désert avec la manne et
les cailles (Nb 11, 31) et des légendes disaient que les cailles sortaient de
la mer (Sg 19, 12) – tel les poissons du partage d’aujourd’hui -. Elie avait
nourri cent personnes et il y eut des restes (2 R. 4, 44). Le Berger du ps 23,
2 « fait reposer sur l’herbe fraîche ». Ces éléments et bien d’autres montrent
comment Matthieu et sa communauté réfléchissent sur le partage du pain, et font
jaillir une multitude de sens. Jésus ne multiplie pas le pain mais le partage.
Quand le pain est partagé, il y en a pour tous, - le multiplier devient inutile - et dans le
partage du pain de l’eucharistie, notre relation avec Jésus grandit :
l’eucharistie, c’est un peu de pain qui en dit plus.
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