Homélie 20e
Dimanche Temps Ordinaire
Carmel de
Saint-Maur – P. Maurice Boisson
Textes : Jr 38, 4-6.8-10 ; Ps
39 ; He 12, 1-4 ; Lc 12, 49-53
« Je suis
venu apporter un feu sur la Terre ! »
Ces paroles
que nous venons d’entendre peuvent choquer et paraître déplacées, alors que les
incendies ont ravagé terres et maisons dans le Sud ces derniers jours.
Je ne suis
pas venu mettre la paix sur la terre, mais la division : ces paroles nous
choquent aussi, alors que nous sommes sous la menace terroriste et que nous
prions ces jours pour la paix.
En fait,
reportons-nous quelques instants au temps où Jésus dit ces paroles qui nous
déroutent aujourd’hui :
La tension
était grande entre ceux qui tenaient à garder la religion juive et ses
pratiques et ceux qui adhéraient avec enthousiasme à la nouveauté libératrice
du message de Jésus. Ces divisions traversaient les familles. Quand un membre
de la famille se convertissait, on le dénonçait et on le mettait au tribunal.
C’était un temps aussi où la religion ne faisait qu’un avec la politique et
sociale. Ces situations restent bien actuelles.
Non, Jésus
n’est pas un pyromane incendiaire, semeur de divisions. Il constate une
réalité : le fait de croire en lui, de vivre selon l’Évangile, est une
source de conflit.
C’est toujours d’actualité. Sans que ce soit poussé à l’extrême :
on connaît bien cette incompréhension, ces désaccords dans les familles, les
communautés, au sujet des enfants, des jeunes, entre époux aussi, entre amis,
entre générations. Par exemple, se marier ou pas, faire baptiser, ou pas, ou
les sujets actuels de société… Les jeunes vivent aussi ces situations de
tension, parfois durement, dans leur lycée, avec les copains, copines, dans les
lieux de travail.
Se dire
chrétien, et poser des actes en conséquence, demande du courage, d’affronter
les moqueries… sans parler, bien sûr, des événements douloureux actuels, de
tueries ou de persécution. Dans ces paroles, Jésus constate que de fait, vivre à
la chrétienne, selon l’Évangile, est source de confrontations. Il ne s’agit pas
d’être dans le vent d’aujourd’hui, c’est l’ambition des feuilles mortes, mais
d’être dans le vent de l’Esprit, comme un feu…
Le feu que
Jésus apporte sur la Terre, c’est un tout autre feu que celui des armes, de la
violence, de la méchanceté ; de ce qui abîme sans cesse les relations, et
la fraternité… Ça, c’est le feu du diviseur, du séparateur, le diable.
Le feu qu’apportent
le Christ et l’Évangile, c’est un feu passion, passion d’aimer, de bâtir la
fraternité, là où on est : « Fleuris là où tu es planté ! »
C’est un feu intérieur, qui claire, comme disait encore ma chère grand-mère !
Est-ce que le feu claire ? Est-ce qu’il éclaire pour savoir où on est, où
on va… est-ce qu’il chauffe ? nos arthroses intérieures, nos
frilosités ? Est-ce qu’il rassemble ? Faites un feu et des gens
viendront… Ce feu, est-ce qu’il attire ? On aime bien aller près du feu…
Est-ce qu’il nettoie en brûlant les saletés de nos cœurs ? Est-ce que le
feu claire ? Remets du bois, surtout ne le laisse pas s’éteindre…
C’est à nous
d’entretenir ce feu qu’apportent le Christ et l’Évangile, il nous est confié,
sinon il devient quelques tisons et cendres fumantes avant de s’éteindre. C’est
souvent hélas, l’image qui est perçue. Le christ ressuscité allume en nous, au
plus intime de nous-même, un feu : une présence intérieure, une présence
est toujours comme un feu. Il rend nos cœurs tout brûlants, souvenez-vous, sur
nos chemins d’Emmaüs, chemins de misère et chemins d’espérance, quand tout
semble sombre, froid, et pourtant une petite flamme, une douce petite chaleur,
une présence… claire !
Ce feu du
Christ n’est pas un immense incendie destructeur, ni des cendres mourantes, il
est vie et amour. C’est à nous de l’entretenir tant bien que mal, ce feu qui
éloigne les bêtes, mais qui attirent les âmes qui ont froid, disait Mauriac. Ne
laissons pas mourir le feu. Il peut s’éteindre tout seul, si nous ne faisons
pas attention. Je suis venu apporter le feu de l’amour, à ne pas confondre avec
« les feux de l’amour » de la T.V.
Me reste
toujours à la mémoire, et surtout dans mon cœur, et dans ma vie, l’appel de ma grand-mère,
du bout de la maison « est-ce que le feu claire ? » Laisse-le
pas s’éteindre. Remets un bout de bois. Ainsi nos vies, habitées du feu de
l’amour du Christ ressuscité. Nous avons à le communiquer, pour que personne
n’ait pas froid au cœur, personne ne soit dans la nuit, personne ne soit seul,
est-ce que le feu claire dans nos cœurs ?
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