Carmel de Saint-Maur – P Maurice Boisson
Textes : Gn 15, 5-12.17-18 ; Ph 3,17-4,1 ; Lc 28b-36 (la
Transfiguration)
Quand Didier est venu me dire : Ça y est, je suis
guéri, je vais pouvoir reprendre le boulot et la vie normale, son visage était
rayonnant, autre, il était transfiguré.
Sabine, je ne la reconnaissais pas, elle avait beaucoup
changé, le visage aux traits défigurés par la douleur du décès brutal de son
mari.
Plus récemment, je vois arriver Régis et Chantal, que
j’avais mariés. Le visage tout rayonnant de joie intérieure. Ils venaient
m’annoncer la naissance d’un bébé, attendu après quelques années d’incertitude.
Oui. On est tous témoins de ce genre d’expériences
intérieures, fortes de douleur ou de bonheur, on les a peut-être vécues nous-mêmes,
elles transforment, on n’est plus les mêmes, ça se voit sur sa figure, sa façon
d’être, transfigurés, transformés, à l’intérieur, et ça transparaît à l’extérieur.
Ces moments forts sont toujours porteurs de messages. Il
y a toujours une voix qui murmure en nous, un appel, un merci, une prière,
écoutez-le.
Sur la montagne, Jésus prie, son visage devient autre,
son vêtement, d’une blancheur éblouissante ; ses amis de la première
heure, Pierre, Jacques, et Jean, qui l’accompagnent, le voient autre, l’espace
d’un moment. C’est bien Lui, traversé par la lumière, rejoint par les deux
grands personnages qui ont fait aussi l’expérience de Dieu sur une montagne… Moïse,
sur le mont Sinaï, Elie, sur le mont Horeb.
Il se passe en Jésus quelque chose qui le touche
profondément dans son être : la reconnaissance de paternité de son vrai
Père : « Celui-ci, c’est mon Fils, je l’ai choisi, écoutez-le »,
faites-lui confiance quels que soient les évènements qui vont arriver, je ne
laisserai pas tomber mon Fils, je lui donnerai raison sur les forces du mal
auxquelles lui et vous, allez être affrontés. Ces paroles de tendre confiance
indiquent le terme après les passages douloureux. Ce rayonnement lumineux de
Jésus dont ses trois amis sont témoins, annonce la lumière de Pâques, après le
passage des ténèbres de la souffrance.
Ce visage, transfiguré, sera dans quelques jours visage
défiguré, il deviendra visage ressuscité.
En annonçant sa montée à Jérusalem, sa Passion quelque
temps auparavant, ses amis n’avaient rien compris. Il n’a pas voulu les laisser
sans espérance, sans aide, sans appui, pour traverser ces passages difficiles :
le procès, la mort, de Jésus, mais aussi leur propre reniement et abandon…
Cet évènement de Jésus transfiguré, au visage autre,
rayonnant, lumineux, rejoint le plus profond de nos vies, de nos expériences,
de la vie du monde.
Il rejoint nos propres passages, nos traversées, par ciel
lumineux ou nuageux, par la lumière et la nuée, les nuages noirs qui font peur
comme à Pierre et aux autres pour les moments où comme Pierre on a envie de
dire : on est bien, restons-y, plantons la tente.
Ce visage de Jésus, ce sont nos visages, les visages de
nos frères et sœurs… en humanité ou en religion : visages transfigurés,
par ce qui arrive de bonheur ou de douleur, de morsures ou de caresses de la
vie, visages défigurés, mais visages ressuscités au bout du compte-, depuis le
soir de l’amour donné, il n’y aura plus de ténèbres du Vendredi, sans lumière
du matin de Pâques. C’est à nous, fils, et filles du Père, qu’est confiée la lumière
pour la traversée, les passages, sur le chemin quotidien et ordinaire de nos
vies.
De la ténèbre du Mal qui défigure, nous devons faire la lumière
qui transfigure… alors nous pourrons dire comme Pierre, « Seigneur, il est
bon que nous soyons ici », parce que se devinent déjà en ébauche et comme
en filigrane, nos visages et le visage du monde, visages ressuscités.
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