vendredi 12 février 2016

Homélie - Mercredi des Cendres

Homélie - Mercredi des Cendres
Carmel de Saint-Maur- P. Maurice Boisson
Textes: Jl 2, 12-18; Ps 50; 2 Co 5, 20-6,2; Mt 6, 1-6.16-18

Nous voilà déjà au Carême. Ce n’est pas le premier. On en connaît les grandes lignes, la liturgie, les observances particulières, les grands axes, les résolutions, dont on sait ce qu’elles deviennent !
La tentation serait d’entrer en Carême avec une « âme habituée », disait Péguy, en reproduisant les mêmes activités tout en leur donnant un nouveau coup de peinture.

Cette tentation nous ferait vivre ce temps favorable sans grand désir, et donc sans grande aventure intérieure, personnelle et communautaire.
La Parole de Dieu dans les trois lectures de ce jour, semblent plutôt nous inviter à nous aventurer en Carême.

Nous aventurer sur une terre qui nous est familière, bien sûr, mais sur laquelle on redoute d’avancer. Cette terre, c’est nous-mêmes, où se rencontrent notre relation à Dieu, notre relation aux autres, notre relation à nous-mêmes. C’est l’Evangile.
S’aventurer, c’est faire des passages, c’est votre thème-, ce n’est pas rester au bord de nous-mêmes, surfer à la surface ou au bord des mots, des choses, des rites, des observances, des évènements, c’est oser traverser, passer, s’aventurer. « Revenez à moi de tout votre Cœur », dit le Seigneur, par Joël, dans la 1e lecture. Revenez à moi, pas d’abord à vous, pour faire un catalogue de résolutions, ni vous complaire dans la culpabilité. Revenez à moi, en vérité, et si vous désirez vous réa-juster à moi, vous trouverez aisément ce qui coince, ce qui ne joint pas, vous rectifierez l’ajustement. Si vous vous rapprochez de moi parce que vous avez pris de la distance avec moi, vous retrouverez la proximité avec vous-mêmes, avec les autres, avec le monde. Ce rapprochement avec le Seigneur est un vrai passage et une aventure. Joël nous dit encore qu’il ne s’agit pas des observances extérieures, comme de déchirer ses vêtements, comme ça se faisait. Mais de déchirer nos cœurs. On sait que ça fait mal, de déchirer son cœur, si c’est nous qui le faisons. Paul, dans la 2e lecture, nous invite à nous laisser raccommoder la déchirure par la grâce de Dieu, au nom du Christ. Laissez-vous réconcilier,… non pas réconciliez-vous, mais laissez-vous, laissez faire, soyez disposé à laisser le Seigneur faire son œuvre de grâce, de réajustement, en notre terre intérieure, notre propriété, sur laquelle on n’aime pas trop qu’on s’aventure, même Dieu… On peut se laisser réconcilier pour ce qui nous convient. Mais laissons-nous faire par celui qui connait mieux que nous-mêmes, nos coins obscurs et fermés.

S’aventurer en Carême, c’est permettre à Dieu, le laisser faire ce passage en nous. C’est être dispos, disposés à collaborer. Tout passage est un exode vers une terre qui nous est promise, à travers les déserts de nos faiblesses et les riches pâturages de la grâce où le Seigneur nous conduit. Tout passage est une aventure intérieure, un pèlerinage intérieur, souvent vers un bord inconnu, et l’inconnu peut faire peur ; le connu, la sécurité rassurent.

Pour nous aventurer en ce Carême, et faire les passages sur ce chemin, Jésus dans l’évangile vient de nous indiquer trois attentions, qui récapitulent l’ensemble de notre vie.

-       L’aumône : pas seulement le don financier, mais l’ensemble de notre relation aux autres… Qui aura besoin d’une aumône ? pas d’une condescendance de 4 sous, mais d’une reconnaissance d’écoute, d’attention, de présence, de miséricorde, dans le secret.

L’aumône, comme le passage, n’est pas seulement un geste personnel, mais une attitude collective.

-       La prière : concerne l’ensemble de notre relation à Dieu, à lire : au Christ et à l’Esprit, à l’Evangile. Ce temps peut être favorable pour donner un goût nouveau, une intimité plus grande à Celui qui est la personne la plus importante de notre existence, et à qui nous nous sommes donnés.

-       Le jeûne, pas seulement une privation de chocolat par exemple… ou ni de nourriture. Mais qui regarde la qualité de notre relation à nous-mêmes, et à la Nature. Quel soin avons-nous de nous-mêmes, pour pouvoir aimer notre prochain comme nous-même… de quoi avons-nous besoin de jeûner pour une meilleure santé des uns et des autres - meilleure santé spirituelle.

 
S’aventurer en Carême, oser faire ces passages sur le chemin de Pâques, un temps favorable, dit Paul, un beau temps, qui n’a rien de triste ni de mine de Carême. Chemin de renouveau… Je vous le souhaite avec les mots de saint Benoît à ses frères : « Chacun attendra la Sainte Pâque, dans la joie du désir spirituel 

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