Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Isaïe 61,1-2a.10-11 ; Cantique Luc 1 ; 1 Thessaloniciens 5,16-24 ; Jean 1,6-8.19-28
Vous vous souvenez peut-être
de ce refrain de Charles Trénet : « Y’a d’la joie ! Y’a d’la
joie ! Partout y’a d’la joie… »
Aujourd’hui, on entend un
autre refrain : « C’est pas la joie ! » - devant les
événements, les situations, les difficultés du temps, « C’est pas la
joie ! »
Et voilà que ce troisième
dimanche de l’Avent, comme un rayon de soleil dans la grisaille, nous chante un
hymne à la joie – le mot est employé dix fois dans cette Messe !
Dès la première phrase
d’entrée : « Soyez dans la joie ! Soyez toujours dans la
joie… »
La prière d’ouverture demande
au Seigneur de « diriger notre joie vers la joie du grand événement de
notre salut. »
La première lecture et le
psaume expriment la joie de Dieu qui sera chantée par Marie dans le Magnificat pour l’action et la présence
de Dieu dans nos vies.
Saint Paul, dans la deuxième
lecture, nous remet ça : « Soyez
toujours dans la joie » (Thessaloniciens 5,16).
Et Jean-Baptiste, dans
l’Evangile, laisse transparaître – discrètement, c’est vrai – sa joie de
préparer la route au Seigneur et surtout d’annoncer sa présence : « Au milieu de vous se tient celui dont
vous n’avez pas idée » (Jean 1,26).
Le Préface et la Bénédiction finale
nous invitent à repartir dans la joie : « Qu’il rende joyeuse notre
espérance ! »
Vraiment, « y’a
d’la joie ! » – au moins dans les mots de la liturgie, (on appelait
ce dimanche Gaudete –
réjouissez-vous, et le prêtre revêtait une chasuble dont la couleur tirait sur
le rose, moins triste que le violet).
Nous, qu’en est-il ?
Cette joie est-elle aussi en nous, dans nos cœurs ? Ou bien n’est-elle que
paroles, loin de la réalité de nos vies ?
Serions-nous une fois de plus
des naïfs, chantant des Alléluias sur leur petit nuage, loin des difficultés du
moment, des épreuves, des soucis ?
La joie que nous donne le
Christ « Je vous dis cela pour que
vous ayez en vous ma joie » (Jean 15,11), c’est comme un secret dans
le cœur, au fond de nous-mêmes. Elle n’est ni exubérance ni démonstration
bruyante : elle est durable, elle rayonne sans bruit ; elle se
manifeste dans ce que nous sommes, sur un visage, dans un regard, un geste, un
sourire, une parole, une manière de vivre et d’être avec les autres ; elle
vient d’un secret intérieur dont l’origine est une présence, une
promesse, « une confiance secrète, même au milieu des pires
soucis » - écrit le Pape François (Joie de l’Evangile 6).
Cette joie ne gomme pas les
épreuves ni les difficultés de la vie - qui peuvent être causes de tristesse ou
de découragement, on le comprend bien –, elle permet de les traverser mieux,
comme la petite source qui se fraye des passages dans les fissures de la terre
et des rochers et qui arrive au jour, dans la fraîcheur et le petit bruit
harmonieux de la liberté venue des profondeurs et les ayant traversées.
La joie est libératrice,
libérante, parce qu’elle traverse en le purifiant ce qui vient la contredire –
c’est souvent ce qui empoisonne la vie ensemble.
Cette attitude de paix
intérieure est sans cesse à demander et à accueillir : « Ne laisse
pas les ténèbres me parler »… ni m’envahir de tristesse.
Saint François d’Assise, aux
prises aux plus grandes difficultés, dans le rejet, l’abandon par ses frères,
l’isolement, écrit : « Contre toutes les machinations, les ruses de
l’ennemi, ma meilleure défense, c’est encore l’esprit de joie. » C’est
vrai, c’est l’écho à la promesse du Christ : « Votre joie, personne ne vous la ravira » (Jean 16,22).
Dans la deuxième lecture, à
l’appel : « Soyez toujours dans
la joie », Saint Paul ajoute : « Priez sans relâche » (1 Thessaloniciens 5,17) ;
c’est aussi le message de cette troisième semaine de l’Avent. C’est le même
message : la prière, qui se fait écoute, nous branche sur le murmure de la
source du secret intérieur qui nous parle doucement au cœur : oui, « y’a
d’la joie »… parce que « au
milieu de vous se tient celui dont vous n’avez pas idée » ! Il
est là, il vient.
Dans ce haut lieu, on
pourrait poursuivre cette méditation par l’appel à réaliser la première attente
du Pape François pour cette année de la vie consacrée : « Que soit
toujours vrai ce que j’ai dit un jour : « Là où il y a des religieux et
religieuses, il y a de la joie. »
Bien sûr, il n’y a pas que
là, on le sent peut-être plus.
Que ce temps soit l’occasion
de partager - même sans paroles, par ce que nous sommes - ce secret de la joie
intérieure qui nous habite.
« Que notre joie
demeure. »
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